Les huit immortels
Les huit immortels traversant la mer

Mentionné dans le Lao Zi, le Zhuang Zi et de nombreux textes à partir des Royaumes combattants, le terme immortel (仙人) xianren ou xian, sinogramme composé des éléments personne (人) et montagne (山), désigne un être fantastique aux pouvoirs surnaturels et aux dimensions cosmologiques dont la résidence principale se trouve dans des lieux magiques appelés grottes célestes et terres de bonheur (洞天福地) où l'on peut trouver des herbes ou elixirs de longue vie. L'état d’immortel est celui auquel aspirent les taoïstes, accessible grâce à différentes pratiques ascétiques et spirituelles. La notion d'immortel a quelque peu évolué et s'est progressivement fondue avec celle de divinité en général ; dans le taoïsme chinois moderne, on parle souvent de shenxian (神仙), dieu-immortel.

Représentation

Généralement invisibles sous leur forme réelle aux humains ordinaires, ils dont décrits par Ge Hong (葛洪) dans son traité, le Baopu Zi (抱樸子), avec des pupilles carrées, des lobes immenses, parfois une tête de serpent, un habit de plumes, montés sur des grues ou des dragons. Ils possèdent les dons de métamorphose et d’ubiquité, apparaisssent ou disparaissent à volonté dans un éclat de lumière. Ils peuvent éclairer une pièce obscure. Ils sont maitres des éléments.

Éléments chamanistes

Ils peuvent, comme les huit immortels du prince de Huainan, faire venir le vent et la pluie en s’asseyant et s'élever les nuages et les brumes en se mettant debout. Ils ont des pouvoirs similaires à ceux des oiseaux et des créatures aquatiques auxquels ils sont souvent comparés et associés. Dans le premier chapitre du Zhuang Zi, le saint taoïste est un oiseau immense qui atteint le bout du monde d’un coup d’aile, mais aussi un poisson caché au fond de l'eau. Ils ont les os légers, un habit de plumes, se dissimulent souvent dans le ciel ou s’élèvent sur les hauteurs des montagnes. Quand l’humain devenu immortel a disparu, il arrive que ses sandales et son épée ou bâton se transforment en oiseaux. Le Baopu Zi compare pour sa part l'immortel à une tortue tapie au fond de l'eau, ou à une carpe lumineuse qui nage dans la rivière de cinabre.

Concepts taoïstes

Ils incarnent également des notions taoïstes d’indifférenciation, de non-agir (wuwei 無為) et, lorsqu’ils ne sont pas en mouvement, se tiennent à la place où les dualités se fondent, comme un gnomon au centre du monde. Lorsqu’ils apparaissent sous forme humaine, leur identité est variable, leur origine inconnue. Sans individualité, ils peuvent pénétrer dans la forêt sans éveiller l’attention des animaux. Tantôt visibles et invisibles, ils apparaissent ici et là à la fois, mobiles mais sans forme ni corps. Ils résident dans les hauteurs et les étoiles, mais aussi dans les grottes des entrailles de la terre, qui d’ailleurs communiquent avec le ciel. Leurs constants mouvements de montée et de descente représentent ceux du souffle qi qui s'élève et du Tao qui descend sous la forme des textes sacrés.

Terres d’immortalité

A travers le caractère qui les désigne et leur description dans les textes, bien qu’ils puissent apparaitre où bon leur semble, les immortels sont plus particulièrement associés à des lieux spécifiques : les montagnes, en particulier le mythique mont Kunlun, mais aussi dans les étoiles, le fond des eaux, les grottes qui communiquent avec le ciel, et les îles des mers orientales, ces dernières particulièrement populaires à l’époque des Royaumes combattants et au début de l’empire. Qin Shi Huang y envoya des expéditions à la recherche d'herbes d'immortalité.

L’école de nos jours la plus importante, la branche Longmen de Quanzen, désigne dix continents et trois iles (十洲三島), ainsi que dix grottes célestes. Parmi les trois iles, Penglai (蓬萊) et Fangzhang (方丈) sont mentionnées depuis les origines. La troisième a échangé son nom premier de Yingzhou (瀛洲), attribué à l’un des dix continents, contre Kunlun (昆侖), qui désigna à l’origine un ensemble montagneux situé vers l’Ouest. Elle abriterait une source de vin qui prolonge la vie. Sur Fangzhang réside la divinité qui régit les dieux des eaux et les animaux aquatiques ainsi que les dragons et les serpents. Penglai, la plus importante, communique avec les neuf cieux supérieurs et le gouverneur du ciel y réside. Yu le Grand s’y serait rendu après ses exploits pour monter au ciel.

Devenir immortel

A l’origine, la poursuite de l’immortalité implique essentiellement un travail sur le corps comprenant un régime diététique particulier, une gymnastique et la consommation d’herbes ou d’élixirs, assorti à des exercices spirituels. Avec le développement du taoïsme institutionnel, l’importance d’ une conduite morale et des bonnes actions n’est pas négligée. Les techniques, très variées dans les détails et souvent spécifiques à une école ou à un maitre, peuvent se regrouper en quelques grandes catégories : diététique, alchimie externe par absorption d’élixirs ou pilules, alchimie interne par visualisation et gymnastique. Plusieurs techniques sont combinées. On considère qu’on peut accéder à l’état d’immortel en se débarassant au moment de la mort de son corps comme un serpent de sa dépouille, mais les plus doués se métamorphosent et s’envolent au ciel de leur vivant, parfois accompagnés de leur famille et de leurs animaux. Cette croyance est à l’origine du dicton : « Quand une personne obtient le Dao, [même] ses poules et ses chiens montent au ciel » (l'ensemble du groupe bénéficie de la promotion d’un de ses membres 一人得道雞犬上天).

Alimentation et alchimie externe

Selon un passage du Zhuang Zi, les immortels s’abstiennent des cinq graines (五穀) (riz, millet, blé, avoine et haricots), se nourrissant de vent et de rosée. Les graines dont se nourrissent les gens ordinaires sont censées contenir des vers qui pourrissent le corps de l’intérieur et, de surcroit, espionnent et dénoncent les péchés de l’individu qui les abrite aux divinités, diminuant encore ses chances de vivre longtemps.

La croyance à l’existence d’herbes de longue vie dans les terres d’immortalité est attestée dès les Royaumes combattants. Les fabrications alchimiques appelées (jindan 金丹) ou (jinyi 金液) cinabre d’or ou élixir d’or devinrent de plus en plus populaires à partir des Han orientaux et connurent leur apogée sous les Tang. A partir des Song, l’alchimie externe, probablement plus dangereuse que bénéfique, fut progressivement abandonnée au profit de l’alchimie interne.

Alchimie interne

Le travail du souffle (lianqi 煉氣) est apparu aussi tôt que l’alchimie. On en trouve des traces dans l’oeuvre de Qu Yuan, ou chez Zhuang Zi pour le daoyin (導引), sorte de gymnastique. Il comprend des exercices de respiration pour « rejeter le vieux et introduire le neuf », des visualisations, ainsi que des gymnastiques douces ou des arts martiaux qui ont répandu la pratique du qigong au-delà de la communauté taoïste. Un exemple de visualisation est celle où le pratiquant capture les essences du soleil et de la lune et voit ses yeux et son souffle devenir miroir, les noeuds des méridiens du souffle s’illuminer et éclairer ses organes.

Autres

Certains rites effectués par un maitre taoïste peuvent aider à avancer sur le chemin de l'immortalité. Les écoles qui ont pignon sur rue ne manquent pas de rappeler à leurs disciples que les techniques sont inefficaces sans une bonne conduite, particulièrement en Chine où les dieux sont en général des mortels divinisés pour leur vertu.

Hiérarchie des immortels

Anciens humains ordinaires ou formés par concrétion du qi, les immortels et dieux taoïstes ne constituent pas un panthéon fermé, mais un ensemble en constante expansion. Chaque école peut avoir une liste et une classification différente. Celle de l’école Shangqing (上清) composée par Tao Hongjing (陶弘景) Hiérarchie des esprits (真靈位業圖) est assez complète et bien connue.

Pour l’école Quanzhen moderne, le grade le plus élevé est celui d’immortel d’or (金仙) qui réside dans le ciel supérieur de Daluo (大羅) avec le Pur des origines, premier des Trois Purs, déités suprêmes.

Source : Wikipedia