mardi 28 février 2006

L'expérience de la prison de Stanford

L'expérience de la prison de Stanford est une expérience qui visait à étudier l'effet que peut avoir le pouvoir. Les sujets ont été divisés en deux groupes complètement au hasard et des rôles leurs ont été donnés. Les gardiens et les prisonniers.

Elle se déroula durant l'année 1971, à l’Université de Stanford, aux États-Unis.Cette expérience fut menée par le professeur Philip Zimbardo.

Un film allemand réalisé en 2001 met en scène cette expérience, il s'agit de L'Expérience (Das Experiment) qui est représentatif de ce qui s'est passé mais romancé.

L'Expérience (titre original : Das Experiment) est un film allemand réalisé par Oliver Hirschbiegel sorti en 2001. Ce film s'appuie sur le livre de Mario Giordano.

Synopsis du film L'Expérience

Attention : Ce qui suit dévoile tout ou partie de l'œuvre !

Dans le cadre d'une étude comportementale, vingt hommes sont sélectionnés pour une expérience. Huit d'entre eux se voient attribués la fonction de gardiens de prison et douze celle de prisonniers. Les prisonniers se voient attribuer des numéros qui remplaceront leur nom durant l'expérience. Personne ne peut, dans la prison, appeler un prisonnier par son nom, les prisonniers doivent se parler avec leur numéros. Pendant deux semaines, les expérimentateurs étudient les comportements à l'aide de caméras de sécurité.

En quelques heures, les « gardiens » se mettent à prendre leur rôle trop au sérieux, en particulier Berus (Justus von Dohnanyi), deviennent sadiques, et les prisonniers se sentent pris au piège. L'un d'entre eux est un peu rebelle. Son nom est Tarek Fahd (Moritz Bleibtreu) et il a une raison pour agir comme il le fait : il doit effectuer un reportage pour un grand journal. Un autre est colonel dans l'armée de l'air (Christian Berkel), un homme calme et froid qui essaie d'observer ce qui se passe.

Même si la violence est prohibée dans cette prison fictive, les gardiens ne tardent pas à soumettre les prisonniers, plus particulièrement "77", Tarek Fahd, le fauteur de troubles, toujours en tension avec Berus.

Dès la deuxième journée, l'expérience échappe totalement aux expérimentateurs par la révolte des prisonniers et la réprimade brutale des gardiens, menés par Berus.

Un gardien sera même passé à tabac et emprisonné par ses collègues après avoir voulu aider Tarek à communiquer avec l'extérieur.

L'Expérience dérapera totalement lors du départ du docteur Thon par l'emprisonnement des assistants et le cloisonnement total des gardiens.

Voir aussi

Sources : L'expérience de Stanford et L'Expérience (Wikipedia).

jeudi 23 février 2006

Le comportement végétarien dans son environnement social contemporain

Source : Le comportement végétarien dans son environnement social contemporain sur le site de Denis Bloud où vous pouvez trouver d'autres textes intéressants.

Université de Genève - Département de sociologie

Cours du 26 février 1990

Intervention de M. Denis BLOUD

Il faut remercier le professeur Jean Ziegler et son assistant Muse Tegegne d'avoir eu le courage d'ouvrir une brèche dans le mur du dogmatisme universitaire afin de faire entendre d'autres discours que les incantations autocentrées et à usage interne des mandarins cooptés par eux-mêmes.

L'intention n'est pas de faire un sermon de prosélytisme en faveur du végétarisme, qui peut très bien s'en passer. Elle n'est pas non plus d'aller à la cuisine et de donner des recettes. L'objet est de situer le comportement végétarien dans son environnement social contemporain, face aux conformismes qui s'y opposent.

Introduction au menu de l'exposé

Cet exposé ira du particulier au général, en partant de l'aspect psychologique le plus immédiat, celui de mon cas personnel ; puis en plaçant ce comportement face à l'environnement médical, social, historique, économique et politique, à l'aide de quelques illustrations projetées par épidiascope. Il est évident que le tour de la question ne pourra pas être bouclé en seulement deux heures et qu'il y aura lieu d'effectuer des recherches plus approfondies sur certains points, ce dont nous pourrons parler lors de la discussion méthodologique. L'objet est ici de présenter le fait sociologique du comportement végétarien face à d'autres conduites alimentaires qui voudraient le garder marginal et anticonformiste pour conserver leur position dominante.

La surdétermination des rapports de l'homme à son alimentation, imposée par les classes détentrices du pouvoir politique, économique et idéologique, dont il a été question dans le cours d'introduction à ce cycle, sera bien mise en évidence par l'analyse du comportement végétarien que nous allons entreprendre maintenant, même si mes souvenirs des cours de Bourdieu à la Sorbonne sont un peu estompés maintenant... Mais comme ce dernier me l'avait un jour déclaré à l'issue d'un exposé, "l'essentiel n'est peut-être pas de résoudre le problème, mais de bien le poser." Je vous propose donc le canevas suivant, qui comporte sept volets formant un tout indissociable, mais où j'ai tenté d'aller du particulier au global. Nous pourrions suivre un autre ordre du jour mais je vais suivre ce plan, quitte à accélérer parfois ou à sauter à des éléments qui vous intéressent plus particulièrement, en fonction du temps disponible et de la possibilité d'engager un dialogue entre nous, ce qui doit rester possible à tout moment. Le menu qui vous est proposé est végétarien mais n'exclut pas que certaines analyses soient un peu saignantes...

Menu de l'exposé

  • I. La motivation psychologique du végétarien
  • II. Le végétarisme face à l'imposture de la thanatocratie
  • III. Le tabou et l'interdit alimentaire
  • IV. Le terrorisme alimentaire par l'occultation dominante
  • V. La filiation historique de l'éthique végétarienne
  • VI. Le végétarisme comme réponse à la crise écologique
  • VII. Le végétarisme face à l'anthropophagie du tiers monde par les riches
  • Bases bibliographiques

I- La motivation psychologique du végétarisme : mon cas personnel

Mes dernières tentatives d'expression à l'université remontent à 1968, en Sorbonne, à la faculté des Sciences et à la faculté de Médecine, sur des thèmes un peu différents, du type "Informatique et société : pour une application des modèles naturels aux théories du pouvoir". Le combat a continué ensuite dans l'ombre, toujours dans le même esprit de contestation des impostures et de défense des modèles biologiques, de ce qu'on peut appeler les "lois naturelles" de notre univers. Le comportement végétarien m'est peu à peu apparu comme un aboutissement logique de cette démarche et aussi comme le point de départ d'analyses multidisciplinaires touchant à tout ce qui concerne au fond le problème de la vie et de la mort. En ce sens, le végétarisme heurte de plein fouet le système thanatocratique disséqué dans "Les Vivants et la Mort" en 1975 par le professeur Ziegler.

Il m'a fallu sept ans pour devenir tout à fait végétarien après les événements de 68, par un processus qui m'a conduit à quitter Paris et à venir travailler à Genève dans une organisation internationale technique comme traducteur, tout en suivant les débuts du mouvement écologiste moderne, représenté à l'époque par la revue intitulée "La Gueule Ouverte". La défense de l'environnement prolonge et complète celle de nos propres cellules physiques et en ce sens il n'y a pas de véritable frontière spatiale entre hygiénisme et écologie: l'air pur que l'hygiéniste revendique ne peut pas exister aujourd'hui sans un combat contre ceux qui le polluent à grande échelle pour le profit immédiat.

Les motivations du comportement végétarien sont personnelles et diverses, irréductibles à une analyse purement psychologique, faisant par exemple appel à des pulsions masochistes ou ascétiques. Ce serait trop simple comme manière d'évacuer la question et tout à fait représentatif des méthodes de réduction conceptuelle face à une valeur supérieure. Si la norme sociale est le comportement d'autosatisfaction à tout prix, il est évident que le végétarisme peut être taxé d'ascétisme. Mais si, comme je souhaite le montrer, il s'agit plutôt du mode d'alimentation normal, c'est le comportement hédoniste et carnivore qui peut être considéré comme autodestructeur et réellement masochiste. Par exemple du fait que le carnivorisme raccourcit la qualité et la durée de la vie ici-bas.

Faut-il être marginal pour être végétarien ? Pour moi, cela n'a pas été le cas : au contraire, c'est parce que j'ai choisi de devenir végétarien que mon intégration sociale s'est trouvée quelque peu réduite. Mais j'ai fait ce choix à un moment où cela ne posait plus guère de problèmes d'identité, à 35 ans environ, où je pouvais en assumer les inconvénients sociaux. Si j'étais resté à Paris dans mon milieu familial, je ne serais sans doute pas resté célibataire ni devenu un étranger sans voix d'expression politique. Et le végétarisme serait peut-être resté une voie idéale que les circonstances ne m'auraient pas permis d'explorer. Mais la poursuite de ma recherche intérieure m'aurait peut-être conduit, de toute manière, aux règles de vie que je considère comme normales et définitives pour moi.

La diversité des histoires personnelles fait qu'une ethnologie du comportement végétarien me paraît tout à fait illusoire. La tribu constituée par les "adeptes du végétarisme", comme les désigne un peu ironiquement Laurence Ossipow dans son essai sur le Végétarisme (Cerf, 1989, 125 p.) n'existe pas car il ne s'agit pas d'un échantillon homogène, très clairement défini. Le psychologisme n'explique pas plus le végétarisme que l'ethnologisme car il s'agit d'un état de conscience qui, à mon avis, se rattache à une sorte d'archétype biologique, lui-même fondé sur notre appartenance physique à l'ordre des primates mammifères, végétariens en conditions normales, comme l'ont montré les analyses faites de dents de tout premiers hominidés (études de Leakey et al., Nature 1976, in "Les Dents de la Viande et les Dents du Blé", Dr M. Bader, Science et Vie, nov. 1985, p. 166). C'est peut-être plus le refus inconscient de l'homme de reconnaître son animalité et ses origines qui explique son régime alimentaire actuel qu'un choix vraiment délibéré pour les plaisirs gastronomiques. Ce refus s'exprime par exemple dans les dessins ci-après.

CALQUES 1.1 ET 1.2

Les végétariens reviennent à la naturalité évacuée comme non rentable par les forces de profit surdéterminantes, pour lesquelles la nature n'est qu'un environnement, un décor de théâtre pour leur plaisir, et une ressource facile pour une prise au tas primaire, par les plus forts. La nature fait peur et on la ridiculise sous les espèces de l'écolo rêveur, du végétarien sectaire et mangeur d'herbe. La nature est assimilée, par la classe parvenue au pouvoir, aux valeurs rurales dont elle a mis si longtemps à s'éloigner, aux vagues souvenances de glèbe, de vie dure, d'origines frustes dont on ne voudrait pas retrouver les contraintes. Le "retour en arrière" aux cavernes est une crainte souvent exprimée dans l'idéologie dominante, rituellement exorcisée par l'incantation au progrès continu par la science humaine. Les traditions religieuses ou mythologiques font pourtant souvent référence au comportement végétarien. Mais tout cela est relégué aux oubliettes, sauf quand un végétarien pose une revendication directe au système marchand. Cela a par exemple été le cas pour moi au Japon en 1983.

Au Japon, j'ai éprouvé beaucoup de difficultés à me faire identifier comme végétarien dans les restaurants. Les termes "végétal" et "nourriture" sont si étroitement liés qu'il est pratiquement impossible de les distinguer, ce qui reflète sans doute une tradition végétarienne ancienne. En fin de compte, il m'a fallu faire une déclaration du genre "je fais dévotion" pour que, avec une certaine révérence mêlée d'étonnement, l'on consente à saisir que je ne mangerais pas de produits animaux.

L'option du comportement végétarien implique donc moins l'entrée dans un groupe particulier que l'éloignement d'une conduite conditionnée, profane et prosaïque. Le végétarisme n'est pas triste car c'est une aventure constante, une forme de résistance permanente aux pressions commerciales imposées par l'ordre thanatocratique. Il faut chaque jour ruser avec lui pour échapper à ses conditionnements et découvrir, sous ses valeurs marchandes, les valeurs d'usage réel, de vie et non de maladie et de mort. Cela implique donc un dépassement des tentations de plaisir immédiat et une rationalisation des choix. C'est là que l'information a un rôle fondamental à jouer.

La notion de groupe social ou ethnologique est difficile à cerner, dans les pays latins en particulier. Les tentatives de regrouper les végétariens au sein d'une association remontent à la fin du siècle dernier dans la plupart des pays d'Europe. Mais le résultat n'a jamais été très probant. La "Vegetarian Society" anglaise regroupe tout de même plusieurs milliers de membres et est très active. Mais sa propre documentation montre que le nombre des végétariens non enrôlés est beaucoup plus important (environ 3,25 millions de personnes soit 6 % de la population). A Genève, la "Société Végétarienne de Genève et de Suisse Romande", malgré l'impulsion donnée par feu son président Armand Dumoulin, est restée confinée à une marginalisation réelle malgré les efforts de ses membres. Le végétarien est souvent, comme l'a fait observer justement le professeur Ziegler au début de ce cycle, une personnalité assez forte, aguerrie par ses choix non conformistes, qui répugne naturellement à l'enrôlement dans un cadre social, même fraternel. Mais il accepte souvent de telles contraintes pour propager sa conviction profonde et militer pour les valeurs d'usage qu'il estime pouvoir intéresser ses semblables.

CALQUE 1.3

La motivation principale de 40 % de ceux qui mangent moins de viande est d'ordre médical. Les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes (1 sur 14 contre 1 sur 24) dans leur propre catégorie. Et de 1983 à 1987, le nombre des végétariens a augmenté de 30 % en Angleterre (Der Vegetarier, mars 1987), sans doute aussi pour des raisons d'ordre économique, ce que nous verrons plus tard. En Allemagne, la progression est très nette également, puisque 22 % des repas pris aux restaurants universitaires de Munich (la "mensa") sont végétariens (100 000 repas par semaine en novembre 1986) (Uni-Berufs-Magazin, fév. 1987). Mais parallèlement la consommation de viande a quintuplé depuis 1850 en Allemagne, et le coût "de la santé" a triplé au cours des dix dernières années, car "les gens ont les moyens de se faire plaisir" (Der Tagesspiegel, 15 janvier 1987). Il se produit donc une sorte de polarisation des comportements dans la société actuelle : prenant conscience qu'il n'est plus possible de jouer sur deux tableaux en même temps, les hommes choisissent soit les plaisirs de la vie avec les contraintes que cela implique, ou bien les plaisirs de la mort, surdéterminés et imposés comme valeurs marchandes indispensables pour l'intégration sociale. Le problème de la motivation personnelle dépasse donc largement les simples pulsions psychologiques intérieures des individus. Il remet en cause l'ensemble du système de santé, d'agriculture, de distribution des richesses économiques.

C'est donc un ferment politique par essence.

Ce calque de la société végétarienne anglaise montre aussi que le végétarisme est presque deux fois plus répandu dans la population estudiantine que dans la population générale (11 %). Quelques noms de personnalités végétariennes modernes sont données à titre de leaders ou modèles, connus surtout au Royaume-Uni. Nous relevons toutefois les noms de Brigitte Bardot, de Madonna, de Yehudi Menuhin et de Michael Jackson. Les appels au comportement végétarien se fondent sur quatre thèmes principaux : la santé, la souffrance des animaux, l'environnement et le tiers monde, ce que nous examinerons ensemble si le temps nous le permet.

Passons donc du point de vue psychologique et personnel à la motivation plus large de la santé publique.

II - Le végétarisme face à l'imposture médico-industrielle

Le végétarisme, en tant que comportement individuel marginalisé, met en évidence les stratégies de séduction et d'aliénation des défenseurs de l'alimentation industrielle et de la médecine palliatrice et réparatrice. Car au lieu se présenter comme un complément récupérable, parmi d'innombrables "thérapies" plus ou moins naturelles ou industrielles, le végétarisme réel se revendique comme étant une conduite d'autonomie préventive, qui évacue les comportements artificiels induits par les thérapeutiques de l'a-posteriori.

Le végétarisme radicalise le débat en le portant au niveau des fondements mêmes de la connaissance et de la tradition. Sa réponse au serpent de mer des coûts dits "de la santé" est celle d'Hippocrate : QUE TA NOURRITURE SOIT TON MEDICAMENT ET QUE TON REMEDE SOIT TA NOURRITURE.

A partir de cet axiome de sagesse, le végétarisme est en droit de renvoyer dos à dos les thérapeutes autopatentés et les divers mages modernes qui se rejoignent tous dans l'interventionnisme dirigiste et paternaliste du : "faites-vous plaisir sans remords, nous sommes là pour réparer quand cela n'ira plus très bien dans votre corps". En ce sens, le végétarisme véritable refuse d'être considéré et exploité commercialement comme une "thérapeutique auxiliaire" analogue au thermalisme ou à l'ozonothérapie. Ce refus est évidemment taxé de sectarisme par ceux qui voudraient faire du végétarisme un alibi de plus pour la survie du scientisme médical.

Nous avons parlé d'autonomie préventive par le végétarisme. Cette prévention au niveau du terrain physiologique ne saurait se prêter aux manipulations marchandes puisque -par définition- elle implique une prise en charge individuelle, une responsabilisation volontaire, au lieu d'une confiance naïve dans les diktats publicitaires. Le principe même de la thérapie palliatrice est infantilisant et participe au fond des valeurs de domination mercantilistes par ceux qui détiennent le pouvoir médical. Ces valeurs visent à court-circuiter le "médecin intérieur", la "vix medicatrix" des Anciens.

L'idéologie du système sanitaire paternaliste et matérialiste ne croit pas à l'existence en l'homme de cette force, de cette "natura naturans" en action, comme elle ne croit pas non plus à l'existence de l'âme et de ses diverses formes traditionnelles, plus ou moins subtiles. Mais elle utilise ces énergies lorsque les résultats ne peuvent plus être niés, comme dans le cas de l'acupuncture. Tout en se gardant bien, dans sa démarche récupératrice et instrumentaliste, de réintégrer les valeurs spirituelles que cette tradition véhicule pour sous-tendre ces techniques de soins.

Le végétarisme est une voie de choix individuel de non-maladie. Il ne peut donc se concilier avec les techniques qui, comme un titre du Journal de Genève l'annonçait en 1983, se fondent sur l'acte de foi que "LA SANTE EST AU FOND DU TIROIR-CAISSE". Si elle y était, on l'aurait déjà trouvée, surtout en Suisse ! Malheureusement, c'est le contraire que l'on constate : les coûts de la maladie ont augmenté de 1000 % depuis 1960 mais le cancer fait toujours autant de victimes, proportionnellement s'entend. Le constat d'échec de ce système d'irresponsabilisation et de traitements épidermiques, dont le summum est atteint avec le mythe du préservatif, aura fait ou fera bientôt l'objet d'autres exposés de ce cycle, après avoir été magistralement démontré par Ivan Illitch et ses étudiants dans La Némésis Médicale (Seuil, 1975) dont la lecture a été déterminante pour ma prise de conscience de l'impuissance fondamentale du dogme médico-industriel à considérer les valeurs hygiénistes naturelles.

Puisque enfin l'occasion m'en est donnée, je tenterai d'analyser plus en profondeur cette incompatibilité épistémologique entre les deux attitudes, celle du Faust moderne et celle du nouvel Emile. Les thanatocrates vendent de la mort plus que de la vie. L'occultation systématique des valeurs naturelles pour les remplacer par une verroterie marchande a une finalité de rentabilité car le profit énorme qui est tiré des contre-valeurs de l'alimentation industrielle se prolonge par celui qui découle de l'exploitation de la maladie et de la mort, conséquences obligées et rapides du régime cafétéria imposé.

Une phrase suffira à décrire ce processus : il y a plus de gens qui vivent du cancer ou du sida que de gens qui en meurent. Comme Hans Ruesch le développe dans son livre "L'Impératrice Nue ou la Grande imposture Médicale" (Naked Empress, CIVIS, 1982, Klosters), si la naturopathie était officialisée aux Etats-Unis, ce serait une catastrophe pour le cancer social qui vit du cancer des individus. C'est pourquoi un Index des hérétiques est tenu à jour par le "Vatican de la mafia du cancer", autrement dit par l"American Cancer Society". Houston et Null écrivaient dans "Our Town" (3 septembre et 29 octobre 1978) en effet ceci: "L'American Cancer Society, en tant qu'Eglise médiévale de l'actuel Moyen Age du cancer, s'est arrangée pour mettre sur une liste noire les voies de recherche cancérologique les plus innovatrices et les plus prometteuses. L'ennemi véritable n'est pas le cancer -qui n'est qu'un phénomène naturel- mais la mafia qui en vit et tend systématiquement à détruire tout ce qui pourrait apporter une solution de fond. Et qui cherche à conforter sa position prédatrice, en tant que parasite de la souffrance humaine." (Naked Empress, p.67).

La morbidité du corps social doit donc être entretenue par les thanatocrates pour que ces derniers puissent prospérer. En 1990, les cotisations aux assurances-maladie vont encore augmenter malgré une désolidarisation par les franchises. Le thanatocrate type se présente sous les espèces avenantes du "biocrate", comme un régisseur de la vie. Il n'opère aucune distinction entre les plaisirs de la vie et ceux de la mort. Tous les toxiques légaux sont autorisés, puisqu'il est là pour les réparations ultérieures. Vendre de l'agréable est évidemment plus rentable et plus populaire que d'interdire ou de poser des tabous alimentaires, en un mot que de faire de la prévention active. De même, en agriculture, il est plus facile de cultiver des fraises ou des tomates stimulées chimiquement que de s'occuper de la vie micro-organique du sol et de planter des espèces qui ne porteront leurs fruits que plus tard.

Cette comparaison me conduit à souligner que le comportement végétarien ne consiste pas seulement à s'abstenir de consommer des animaux, vertébrés ou non (poisson et fruits de mer inclus) mais aussi à éviter les toxiques en général, par un choix d'aliments issus de l'agriculture biologique. Le végétarisme compris comme une prévention de terrain remet donc en cause tout le système actuel d'agriculture et d'approvisionnement, ce qui fera l'objet de l'analyse d'ordre économique et politique de cet exposé.

La santé naturelle implique, par le respect de lois biologiques inéluctables, une valeur d'ordre, de raison, tandis que l'option faustienne, hédoniste et industrielle consiste à vendre n'importe quoi, donc du désordre et de l'immédiat, pour reporter sur les thérapeutes la prise en charge apparente de la dette biologique ainsi contractée.

Le calque 2.1 illustre ce que font les traitements symptomatiques : donner un très bref sursis, une illusion de santé.

Le calque 2.2 précise le précédent : "Voici une liste des effets secondaires possibles du médicament que je vais vous prescrire. Lisez-la et téléphonez-moi demain matin pour me dire si malgré cela vous estimez que la vie vaut encore la peine d'être vécue."

Après avoir payé le non-aliment immédiatement gratifiant, puis le thanatocrate déguisé en biocrate, censé rétablir l'équilibre biochimique compromis, puis les substances chimiques issues de la recherche pharmaceutique (euphémisme pour ce qui est en réalité de la pseudo-science vivisectrice), puis les surprimes d'assurance entraînées par cette débauche moléculaire, le patient va devoir affronter les mêmes thanatocrates sous leur masque hospitalier, comme l'illustreront à grands traits les calques 2.3 et 2.4.

"Je me fous de ce que dit votre ordinateur. Je paierai pour l'opération de la hernie mais je ne veux pas payer pour l'hystérectomie". "Je voudrais vous présenter l'équipe de chirurgie. Je suis le chirurgien-en-chef, Mme Tully est l'assistante, M. Potts est l'anesthésiste et M. Wilburn est le médecin légiste". "Il paraît qu'ils portent ces masques chirurgicaux pour que les patients ne puissent pas les reconnaître lors des procès...". (CALQUE 2.5)

Les erreurs et bavures sont extrêmement courantes dans les hôpitaux, comme cela est rapporté dans "Naked Empress" ou dans "Medicine on Trial" (Prentice-Hall Division of Simon & Schuster, People's Medical Society, 1983) pour les Etats-Unis,où 50 % des diagnostics sont faux et plus de 40 % des décès hospitaliers sont dus à la violence des remèdes, d'après une récente enquête (documentation Phytodif). Les Etats-Unis consomment 30 % des produits pharmaceutiques du monde et assurent 40 % des bénéfices correspondants (Tribune de Genève du 6 janvier 1988, p. 3).

"La médecine ne guérit plus. Elle ne fournit plus que des prothèses, des palliatifs, des rafistolages de fortune" déclare le docteur Elmiger dans son livre "La Médecine Retrouvée" (p. 11). Il ajoute ailleurs (p. 104): "Le fanatisme doctrinaire des matérialistes est si net en médecine que toute opinion émanant d'une autre école est brutalement écartée. Les allopathes ne peuvent pas souffrir qu'une élite minoritaire puisse un jour enseigner dans nos facultés". A propos des vaccinations, qu'il appelle "la plus gigantesque imposture médicale de tous les temps" (p. 144), il cite l'excellent ouvrage du Dr Chavanon "La Guerre Microbienne" (1950, Paris, Dangles) pour affirmer : "Le lancement du BCG est un modèle de gangstérisme économique, une gigantesque et malhonnête opération commerciale. Les 20 familles qui tiennent la santé en otage (entendez son enseignement, ses laboratoires, ses temples et son commerce) ont réussi le tour de force de faire voter en 1949, à la sauvette, par l'Assemblée nationale et par le Conseil de la République, l'obligation vaccinale par le BCG." (p. 132).

Pour un végétarien, le vaccin est un viol alimentaire car la substance animale qui lui est injectée est en plus une toxine pure. Le rejet des vaccinations fait donc partie de l'éthique et de l'épistémologie végétariennes.

"En introduisant la Bête dans l'Homme -précise génialement Elmiger- le médecin se mue en sorcier maléfique qui procède à une sorte de bestialisation rituelle de la tribu" (p. 150). La vivisection est le pendant de la vaccination et,comme de nombreux médecins, le Dr Elmiger la récuse : "La médecine de demain ne peut pas se construire sur le malheur des innocents ; elle n'a pas besoin du sacrifice des animaux et n'a que faire des coûteuses équipes de chercheurs ivres de gloriole pseudo-scientifique" (p. 274). (CALQUES 2.6a,b, 2.7)

"La vivisection est faite pour des raisons légales et non pas scientifiques" a avoué en 1964 le Dr Gallagher, directeur des recherches du laboratoire Lederle (JAMA: 14/3/1964). Et pourtant 1 752 265 animaux ont été rituellement sacrifiés en Suisse en 1984. Hans Ruesch démontre que non seulement aucun résultat clinique sérieux n'est à mettre au crédit de la vivisection mais que cette imposture est la cause de catastrophes sanitaires innombrables et bloque la recherche scientifique véritable. Les végétariens s'associent pleinement aux conclusions de Ruesch, telles qu'elles sont exposées dans "Ces Bêtes qu'on Torture inutilement" (Favre, 500 p.,1980), traduit de "Slaughter of the Innocent" (CIVIS, 1979, 480 p.); et dans ses autres oeuvres.

"Seul celui qui guérit est réellement médecin" affirme Elmiger (supra, p. 188). Si 60 % des maladies cliniques sont dues à des médicaments et si 85 % à 95 % des tumeurs humaines sont dues à des produits chimiques (Mitteilungen, 12/87, p. 16) et si en un an 1 500 000 personnes ont été hospitalisées, dont 140 000 (9 %) sont mortes aux Etats-Unis en raison de médicaments défectueux, mis au point sur des animaux (H.R. Report 5, p.7), c'est que la médecine est une "impératrice nue" dangereuse, dont le pouvoir doit s'écrouler. Mais pour cela, il faut que les hommes puissent éviter d'avoir à la consulter, ce qui implique le comportement hygiéniste de prévention, donc le végétarisme.

(+calques 2.8, 2.9, 2.10)

L'hygiéniste végétarien refuse d'entrer dans le jeu morbide et modifie donc son alimentation et son attitude face à son corps, quitte à se marginaliser; ce qui nous conduit à l'analyse proprement sociologique du comportement végétarien.

III - Végétarisme et tabous alimentaires

Le tabou alimentaire apparent du végétarisme actuel ne procède pas d'une règle dogmatique, d'une survaleur traditionnelle imposée par une classe dominante, théocratique dans son essence, comme cela a pu être le cas dans certaines religions. Mais ces dernières n'ont peut-être fait qu'institutionnaliser et ritualiser ce qui au début était conscience rationnelle d'un avantage biologique.

Depuis le fruit défendu de l'Eden, les interdits alimentaires ont jalonné le passage de l'état de nature à l'état de culture. Mais les règles dogmatiques ne tiennent pas très longtemps sans vérification naturelle. L'ordre artificiel est un jour contesté, transgressé. Le mur finit par tomber car le tabou appelle sa vérification expérimentale.

Les carnivores, qui refusent de manger leurs chiens, leurs chats, souvent leurs chevaux, ou les sauterelles pourtant très semblables aux crevettes -paraît-il- ont des tabous souvent moins rationnels que les végétariens. Muse Tegegne pourra sans doute confirmer que manger du chameau est cause d'excommunication pour les chrétiens en Ethiopie.

D'un côté comme de l'autre, il est à noter que les interdits portent presque toujours sur des animaux, comme dans la Sourate 6 du Coran. Mais en Polynésie, certaines plantes sont prohibées, comme chez nous 99 % des champignons. La compréhension et la connaissance de la Règle, grâce à la Culture, peuvent remplacer le processus personnel de transgression du tabou.

L'expérience de l'aliment défendu, une fois subie la conséquence négative, nous reconduit à la règle. Savoir reconnaître une amanite mortelle est une valeur d'usage précieuse, mais n'empêche pas des dizaines d'intoxications chaque année par ceux qui ont voulu vérifier l'interdit traditionnel.

Comme l'a déclaré Emerson, "la vie tient une école très dure, mais pour les fous il n'y en a pas d'autre" ! Il n'est pas nécessaire de devenir alcoolique pour prendre conscience du fait que l'alcool, ou le tabac, ou une autre drogue, nous détruit. Mais certains individus sceptiques se croient obligés de passer par cette voie longue, douloureuse et coûteuse pour le corps social. C'est le cas pour l'alimentation industrielle comme pour d'autres contre-valeurs : l'être social inquiet quant à sa liberté d'action veut tout redécouvrir par lui-même et rejette la tradition des anciens, avec ses interdits ou garde-fous,même justifiés. Intérioriser le tabou par expérience et non par connaissance et réflexion conduit la société actuelle à un vécu morbide de première grandeur. Selon le bilan du "Worldwatch Institute" (L'Etat de la Planète, Lester Brown, préface de René Dumont, 1989), cette planète n'en a plus que pour 10 ans avant d'atteindre le point de non-retour définitif. "Nous sommes au bord d'une effroyable famine" écrit Dumont et nous en sommes à nous demander comment perdre quelques kilogrammes en améliorant un peu notre régime... L'apocalypse sera le prix du non-végétarisme, à mon avis.

Bien que très ancien puisque remontant à notre filiation phylogénétique dans l'ordre des Primates, le tabou végétarien n'a jamais été vraiment dogmatique car sa valeur d'usage s'est constamment trouvée vérifiée et confirmée par les faits comme par les analyses modernes. Les quelques courbes suivantes illustreront cela. (CALQUES 3.1 A 3.7)

Schéma des effets d'une alimentation riche en protéines sur l'espérance de vie. Ross a montré que pour 17 des 23 enzymes étudiées chez de petits animaux, on trouve un niveau enzymatique correspondant au jeune âge chez les animaux adultes dont l'alimentation est pauvre en protéines : par contre le niveau enzymatique des animaux nourris avec une alimentation riche en protéines correspond à celui des animaux âgés. ("Viande et Santé", Dr Scharffenberg).

Mortalité due à des affections circulatoires en Norvège de 1938 à 1948.

Densité osseuse comparée dans trois populations de femmes âgées de 70 à 79 ans, par rapport à la consommation de viande ("Transition to Vegetarianism", Dr Ballentine). L'ostéoporose commence à la fin de la trentaine chez les Esquimaux, gros consommateurs de viande, soit une vingtaine d'années plus tôt que dans la population américaine moyenne.

Corrélation entre consommation de graisses et taux de mortalité par cancer du sein. Les adventistes végétariennes ne présentent que 65 % du taux habituel de mortalité par cancer du sein, alors que les étudiantes qui en consomment plus de 5 fois par semaine ont un taux presque double, de 118 %. (3.7) Nous pourrions accumuler ainsi d'autres preuves expérimentales, que nous pourrons facilement retrouver dans des ouvrages de base comme "Viande et Santé" du Dr Scharffenberg, ou "Transition to Vegetarianism" du Dr. Ballentine. Mais revenons à notre analyse du comportement végétarien dans la société moderne, étant admis d'emblée que, pour chacun de ceux qui ont choisi cette conduite, il existe un ensemble déterminé de justifications.

Au plan national suisse par exemple, le végétarisme est perçu par les autorités comme une valeur d'usage très exceptionnel: pour une survie de la population en cas de guerre ou de catastrophe analogue. C'est-à-dire que le végétarisme, par ses vertus intrinsèques, se fait déjà admettre comme utile pour un état de crise, de pénurie, comme l'illustrent les documents suivants.

(CALQUES 3.8 A 3.12)

(3.8,3.9)Le plan alimentaire fédéral PA-90 prévoit en cas de crise une consommation de calories diminuée de 30 % (de 3 300 à 2300 kcal) car la production agricole indigène ne pourrait assurer que 60 % des besoins alimentaires. Avec une consommation de viande diminuée des deux tiers, l'on admet que le régime des Suisses serait "plus équilibré" et plus sain, permettant de "se retrouver en pleine forme" (Tribune de Genève, 18 août 1988).

(3.10) La comparaison de cette information avec le fait qu'au cours de la même année 1988 la consommation de viande a augmenté de 6 % met en évidence une certaine contradiction, sinon schizophrénie ou dichotomie entre le discours officiel et la réalité concrète. "Les Suisses aiment la viande" lit-on le 21 mars 1989 : 30,4 kg par personne et par an en moyenne, dont le tiers en charcuterie et saucisses. Si l'on inclut les os des animaux ainsi consommés, il faut multiplier cette masse par trois, soit 92 kilos par personne et par an en 1988, avec une tendance à préférer les viandes importées du tiers monde, moins chères ici. Nous reviendrons plus tard sur ce problème.

(3.11) Qualitativement, l'on a pu parler de "mal-bouffe" du Suisse, comme l'a montré le deuxième Rapport suisse de l'alimentation, qui conclut que la consommation optimale, de 2 400 kcal, est dépassée de 20 % à 30 %, puisque la moyenne journalière se situe à 3 080 kcal. 66 % des Suisses ont trop de poids et 43 % de ces calories proviennent de denrées animales. Le sucre dépasse de peu la viande avec les ossements : 136 kilos par personne et par an. Caricature de l'homo sapiens consumentus : à chaque Suisse son demi-porc par année (Vers un développement solidaire, Déclaration de Berne, numéro spécial sur la Viande, juin 1985, Lausanne).

(3.12) Alors que l'apport de protéines d'origine animale était de 27 % en 1880, il était de 45 % en 1935, et de 71 % en 1980. Cela ressemble à un compte à rebours pour notre santé et pour celle de notre planète. 89 % des aliments modernes sont pauvres en fibres végétales. Il est dès lors intéressant de comparer les pourcentages du régime alimentaire de masse avec ceux des facteurs pathogènes constatés dans la population et reflétés fidèlement par les augmentations des cotisations d'assurance maladie: aux 22 % de viande et oeufs dans le régime correspondent 25 % de risques ; aux 12 % de produits laitiers correspondent 15 % de risques liés à ces produits. Aux 19 % de sucre et d'alcool dans le régime moyen correspondent 15 % de risques morbides et les 18 % de graisses raffinées peuvent s'associer aux 20 % de maladies mortelles dues à l'obésité et au manque d'exercice; le tabac prenant en charge le quart restant des raisons de tomber à la charge du système de mutualité.(3.13, 3.14).

Devant un tel bilan statistique, il est difficile de continuer à croire aux incantations rassurantes du système médico-industriel, très désireux que rien ne soit changé à ces habitudes dont le résultat n'est finalement que de lui drainer des clients toujours plus nombreux et toujours plus soumis. Les contradictions ne manquent cependant pas à ce niveau entre forces en présence : Etat, caisses d'assurance, population cotisante et pouvoir médical. Il s'agit là d'un manège à quatre, où le jeu consiste à renvoyer la balle au suivant, comme l'illustre le document ci-après: "Manège à quatre". (3.15)

En conclusion de ce troisième volet sur l'aspect social du comportement végétarien, nous pouvons conclure que la communion rituelle de viande procède bien d'une conduite autodestructrice de la société. Pourquoi alors occulte-t-elle le végétarisme ? Cela pose je crois le problème écomomique et politique.

IV. Végétarisme et terrorisme alimentaire : l'occultation économico-politique

Les forces d'argent dominantes se trouvent prises entre d'une part la nécessité, pour continuer à paraître crédibles, de se mettre un peu à jour et de reconnaître les avantages de l'hygiène et de la prévention, et d'autre part l'obligation de continuer à faire des affaires en vendant ce qui fait plaisir aux consommateurs. C'est là que le végétarisme, en radicalisant cette contradiction, devient un outil de démasquage social et politique très efficace. Il est devenu tabou et considéré comme "extrémiste", "sectaire", car trop menaçant pour le système de gratification-palliation industrielles. La tendance des écoles diététiques reflète exactement cette situation : on admet qu'il faut manger moins de viande, de graisse, de sucre, on parle de "régime équilibré" sans exclusive, avec "un peu de tout"; ce qui permet de continuer à vendre tout ce qui flatte le palais des consommateurs, avec l'alibi publicitaire de paraître avoir fait tout le possible pour se montrer favorable à l'hygiène publique et à l'environnement. Ce discours bien-pensant et sirupeux ne résiste pas à l'examen un tant soit peu approfondi, comme les documents ci-après nous le démontreront clairement. (CALQUE 4.1)

Voici tout d'abord une lettre que j'ai adressée au début de cette année 1989, en tant que vice-président de la Société végétarienne de Genève et de Suisse Romande, à l'hebdomadaire des coopératives Migros, "Construire". Ce dernier avait publié un article consacré à la "bonne nutrition" et répondait ainsi à la question "Vit-on en meilleure santé sans viande ?" dans les termes suivants : "manger de la viande peut être ou tout aussi sain ou malsain que de ne pas en manger"; mettant donc sur un pied de stricte égalité les deux comportements. Une telle déclaration faisait bon marché des preuves accumulées en faveur du végétarisme par rapport à la consommation de viande et je tenais à ce que la Migros veuille au moins rectifier son information, sans d'ailleurs que le débat reste limité au seul plan médical. Par exemple en lui rappelant qu'il faut -nous le verrons plus tard si nous en avons le temps- 5 mètres carrés de forêt tropicale pour obtenir une boulette de viande pour hamburger.

(CALQUE 4.2)

La réponse de la diététicienne attitrée de la Migros, Nicole Oehninger, m'est parvenue un mois plus tard. Elle y reconnaît qu'on "recommande en effet de manière générale de consommer moins de viande. Pourtant, une stricte interdiction de la viande serait injustifiée. Il serait contraire à nos principes de chercher à rééduquer les Suisses et les contraindre à se faire végétariens par une interdiction de la vente de viande !".

En 6 lignes, la Migros revient deux fois sur le spectre d'une éventuelle interdiction de la viande, qu'elle agite frileusement pour protéger son profit. Cette lettre est hors du sujet que j'avais posé et élude immédiatement mon droit de réponse et ma demande de rectification en dramatisant et en déformant mon intention. Alors que je demandais à ce journal de bien vouloir rétablir son information, la seule vue du papier à en-tête de la Société végétarienne a provoqué une sorte de panique à la Migros et suscité cette réaction tout à fait symptomatique et révélatrice. Les valeurs marchandes ne supportent pas d'être menacées. La Société végétarienne romande, qui compte un tout petit noyau d'une vingtaine d'adhérents militants et un fichier de quelques centaines de sympathisants passifs, se voit considérée comme un foyer de terrorisme antimercantiliste, dont la moindre intervention, même bénigne, doit être interprétée comme portant atteinte potentielle au chiffre d'affaires.

Sur le plan fédéral, les contradictions internes sont moins évidentes car il n'y a pas d'intérêt commercial apparent. Comme nous l'avons vu à propos des tabous alimentaires (calques 3.8 et 3.9), l'Etat reconnaît la valeur du végétarisme pour faire face à une crise grave dans le pays. Mais d'autre part on tient à repousser cette éventualité dans le futur: c'est un moindre mal à éviter si possible, comme les abris anti-atomiques; c'est une boîte de survie spéciale pour une reprise en main totale de la population sous couvert de protection civile; cela ne va pas plus loin que le voeu pieux. En réalité, si les médecines naturelles comme l'acupuncture et l'homéopathie commencent à entrer dans les facultés de médecine, il n'est pas encore question de donner droit de cité aux méthodes de prévention active comme le végétarisme et l'hygiénisme en général. En voici un témoignage récent. (CALQUE 4.3).

Il s'agit d'un article paru dans la Tribune de Genève le 23 février 1989, intitulé "Vivre sainement ne suffit pas", à propos de prévention anti-sida. Le conseiller national René Longet avait, avec raison, demandé par une question ordinaire " s'il n'était pas possible de montrer, dans le cadre des campagnes préventives anti-Sida, comment chacun peut renforcer ses défenses immunitaires en adoptant un mode de vie plus équilibré. Les campagnes anti-Sida recommandent l'utilisation du préservatif comme moyen de prévention principal mais ne disent rien des facteurs liés au mode de vie, qui affaiblissent les défenses de l'organisme : alcool, alimentation trop riche en graisses animales, sucre raffiné, tabac, abus de médicaments, stress. Apprendre au public comment vivre pour maintenir le système immunitaire à son niveau optimal contribuerait aussi à lutter contre le Sida, estimait René Longet dans sa question." Il vaut la peine de citer maintenant la réponse officielle à cette demande frappée au coin du bon sens.

"Le Conseil fédéral convient qu'un mode de vie plus sain peut renforcer le système immunitaire mais ajoute que cela n'est pas scientifiquement prouvé. Un tel renforcement ne suffit toutefois pas à protéger d'une infection par le virus HIV. De nombreuses personnes menant une vie saine, dotées d'un système immunitaire intact, ont contracté le virus du Sida. En conséquence, il serait DANGEREUX de diffuser, dans la campagne Stop-Sida, des conseils pour vivre SAINEMENT, qui pourraient laisser croire qu'une vie saine constitue déjà à elle seule une protection contre l'infection par le virus HIV, ajoute le Conseil fédéral dans sa réponse."

Je crois qu'il convient maintenant de bien centrer notre analyse sur ce texte, très révélateur, à partir duquel la dialectique sociologique du déterminant et du déterminé est très clairement exposée par les faits. Pour placer le deuxième volet de ce non-dialogue, je me permettrai de citer ici, in extenso, ma réponse à cette prise de position du Conseil fédéral, parue 15 jours après dans la Tribune de Genève du mercredi 8 mars 1989, tout en soulignant que la réponse des responsables politiques, dans ses termes mêmes, n'est qu'un reflet servile de la position qui leur a été très certainement dictée par la force dominante réelle : le trust médico-pharmaceutique suisse. Madame Kousmine nous a déjà bien démontré les étonnantes possibilités offertes par la méthode d'alimentation saine dans toutes les maladies de dégénérescence comme le cancer et le SIDA. Ce n'est donc pas à titre de franc-tireur isolé et marginal que je me suis senti habilité à contester la position des autorités, mais en tant que porte-parole d'un puissant courant de survie.

(CALQUE 4.4)

"L'article paru dans la "Tribune de Genève" du 23 février sous le titre "Vivre sainement ne suffit pas" ne peut que décevoir ceux qui militent pour la prévention et l'hygiénisme en général, moins rentables que la vente de solutions de réparation. Serait-il dangereux de donner des conseils pour vivre sainement tant qu'il n'est pas prouvé scientifiquement qu'une vie saine ne peut pas, à elle seule (sans préservatifs), assurer une protection contre le virus HIV ?

Les expériences faites sur des individus sains, humains ou d'espèce proche (chimpanzés) montrent que le virus ne prend pas si le niveau immunitaire est normal (Science et Vie, octobre 1985). Par ailleurs, deux cas de séropositifs redevenus négatifs ont été scientifiquement vérifiés par le Dr André Fribourg-Blanc, comme la "Tribune de Genève" l'a signalé dans un article du 21 avril 1988 ("Sida: le virus qui s'évapore").

Donner de l'espoir est toujours favorable au système immunitaire, comme on l'a constaté scientifiquement aux Etats-Unis. Même un faux espoir vaut mieux qu'une certitude morbide ! Il est donc, à mon avis, dangereux pour les malades touchés par ce virus de ne pas les encourager à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour augmenter leur immunocompétence, qu'un "mode de vie plus sain peut renforcer", comme le reconnaît le Conseil fédéral suisse.

Il n'est pas non plus "scientifiquement prouvé" que le seul usage du préservatif suffise à protéger contre l'infection HIV: pourquoi la "vie saine" (qui reste à définir plus précisément et qui implique l'hygiène élémentaire) ne serait-elle pas encouragée au même titre que le seul préservatif, qui semble faire l'objet d'un fétichisme particulier de la part des "responsables" ?

Quelques centièmes des sommes allouées à l'industrie des préservatifs suffiraient à des sociétés de "vie saine" (comme la Société végétarienne ou la Fondation Soleil) pour apporter au moins de plus grandes espérances de guérison que les seules "recherches" officielles et leur inapplicable recommandation de prévention épidermique.

Nous sommes nombreux à considérer comme irresponsables le rejet, sans preuves scientifiques, de la prévention de terrain -alimentaire en particulier- et l'imposition d'un dogme superficiel et non générateur d'espoir en l'état actuel des connaissances.

La vie "saine" implique plus que des mesures d'ordre physique et englobe l'âme, le psychisme; ce qui explique pourquoi certaines personnes, menant une "vie saine" en apparence, ont pu devenir positives HIV.

Qui est vraiment en mesure d'apprécier en quoi consiste une vie saine ?

Se mesure-t-elle seulement au taux d'immunoglobulines?" (CALQUES 4.5 A, B)

Aucune réaction ne m'est parvenue à la suite de cette mise au point dans la presse. Pour ceux que cela intéresse, j'ai publié deux autres textes de la même veine à propos du Sida, parus dans "24 Heures" et "Construire". Le premier m'a valu un appel téléphonique d'appui de la part de Madame Kousmine, qui a bien voulu me considérer comme un de ses disciples spirituels. J'ai remis ce texte à jour pour un journal du personnel, tout récemment; mais sa parution fait actuellement l'objet du veto d'un mandarin de l'Organisation Mondiale de la Santé. Nous pourrons revenir ultérieurement sur cette question fondamentale de l'acquisition d'une immunodéficience et sur l'attitude de rejet systématique des pontifes de la mort et de la maladie: les biocrates et les thanatocrates. Par exemple en citant les chasses aux sorcières engagées par ces derniers contre des génies comme Solomidès et maintenant les Beljanski. (4.6, 4.7)

La compréhension d'un telle attitude de rejet ne s'explique pas seulement -à mon avis- par des motifs d'ordre économique et politique. Il existe aussi une résistance plus profonde encore, d'ordre philosophique, que je vais maintenant tenter d'aborder.

V. - Histoire et philosophie du comportement végétarien

Ce qu'il importe pour le moment de noter, c'est l'opposition systématique des autorités à ce qui n'est finalement que du bon sens et de l'évidence. Car au-delà du débat sanitaire, il y a un problème politique. La prévention de terrain implique une prise en charge responsable qui automatiquement va déterminer des choix individuels, libres, éventuellement divergents des lignes directrices imposées à la masse par les autorités. En ce sens le comportement végétarien n'est que la partie émergente d'un comportement conforme aux lois biologiques de la nature, donc en conflit direct avec tout ce qui est faustien, artificiel et fondé sur le développement de l'ego humain pour manipuler à son profit les lois naturelles.

Le végétarien radicalise la revendication hygiéniste et se voit donc immédiatement marginalisé par des arguments d'autorité plus que par la logique. Il représente, par son existence même, un rappel vivant de la situation de crise, passée ou à venir. Il renvoie autant à une époque de cueillette immémoriale qu'à une éventualité de disette et de pénurie : il ne peut donc pas être très populaire, même chez ceux qui n'ont pas d'intérêt commercial à l'alimentation industrielle et qui même verraient un avantage financier à un régime plus strict. Les réactions des carnivores, selon notre expérience de végétariens, sont souvent celles d'enfants qui craignent de se voir retirer leurs jouets ou qui se sentent agressés par un comportement plus responsable que le leur. Mais la marginalisation sociale ne suffit plus à faire peur aujourd'hui, au contraire.

Autrefois, un végétarien était très mal vu. Au XIIIe siècle par exemple, le refus de manger de la viande dans une auberge suffisait à vous faire accuser d'hérésie cathare et à conduire au bûcher, comme cela est souvent arrivé aux fidèles de cette religion gnostique. Et avant eux à ceux de la même filiation : les orphiques, les pythagoriciens, les zoroastriens et manichéens, les platoniciens, nazaréens puis ébionites, pauliciens, bogomiles et jaïnistes.

Le refus des sacrifices d'animaux -qui ne sont que des formes ritualisées de la boucherie- a toujours été la pierre d'achoppement et en même temps la pierre de touche des gnostiques et des purs dans l'histoire de l'humanité.

En même temps, l'histoire du comportement végétarien se confond en grande partie avec celle de l'élite intellectuelle et spirituelle : les plus grands noms peuvent facilement être rattachés à ce mouvement depuis Pythagore : Socrate, Platon, Plotin et son école, Sénèque, Ovide, Pline. Les disciples Pierre, Matthieu et Jean. Saint Jérôme, la plupart des Pères fondateurs de l'Eglise romaine jusqu'au concile d'Ankara où il fut décrété que les prêtres qui refuseraient de manger de la viande seraient destitués. Puis Abélard, Bacon donc peut-être Shakespeare- saint Bernard, Gassendi, Rousseau, Voltaire à la fin de sa vie, Newton, Bossuet, Fénelon, Pascal; jusqu'au père spirituel du végétarisme moderne, le Français J.A. GLEIZES (1773-1843) qui écrivit les 1 300 pages du premier livre de synthèse sur le sujet: "Thalysie ou la Nouvelle Existence", paru en 1840, alors que l'école romantique reprenait le flambeau avec Shelley, Lamartine, Nodier, Bernardin de Saint-Pierre, Byron, puis Victor Hugo, Michelet et Richard Wagner. Nous sommes donc en très bonne compagnie, même si ces fortes personnalités n'ont pas toujours fait l'unanimité sur leur production. La plupart de ces génies ont confirmé que sans leur régime, ils n'auraient jamais pu travailler aux niveaux où ils voulaient se placer.

Dans les campagnes comme autrefois, ou dans les milieux manuels soumis à un fort conformisme social, la communion aux rites alimentaires acceptés conditionne encore l'intégration. Un ami médecin d'un pays de l'Est, travaillant depuis plus de vingt ans en Suisse, s'est vu refuser la bourgeoisie d'un bourg valaisan parce qu'il était végétarien et ne participait donc pas à la vie populaire. Le conformisme alimentaire est encore de règle dans la plupart des communautés humaines telles que les armées, les hôpitaux, les prisons, les écoles et dans la plupart des communautés monastiques, à part les Chartreux, Carmes et Trappistes et certaines petites Eglises.

Etre végétarien, c'est donc plus affirmer le rejet de fausses valeurs marchandes que celui d'aliments particuliers. Car refuser l'aliment industriel c'est presque toujours refuser de consommer des produits issus de l'exploitation du règne animal, médicaments inclus par le biais de l'alibi des expériences animales. Les leurres et appâts jetés sur le marché pour flatter la convoitise se placent en fin de chaîne alimentaire, l'usine agro-alimentaire constituant en quelque sorte un nouveau chaînon entre les consommateurs humains et les produits naturels. Le végétarien court-circuite cet intermédiaire parasite et recherche un aliment végétal encore proche de l'état naturel, moins manipulé et donc moins pollué.

Le végétarisme est à la source d'une contre-culture qui intéresse non pas tellement la vie gastronomique de l'individu mais plutôt le tissu de ses relations sociales. Il remet en cause tout le système primaire des gratifications orales par lequel le pouvoir a prise sur les consommateurs. En Angleterre et en Allemagne par exemple, les végétariens commencent à se poser en minorité agissante, qui revendique le droit à la vie de ceux qui sont encore considérés comme des objets dans les législations humaines : les animaux, mammifères en particulier.

La philosophie mécaniste de Descartes ou de Malebranche, où les hurlements de la chienne gravide éventrée ne sont que des "vents passant par des tuyaux", est encore à la base de la médecine "mécanistique" comme l'appelle Hans Nieper, avec ses rites sacrificatoires aussi immuables qu'inutiles. La morale élémentaire voudrait que l'on respecte la valeur intrinsèque des autres êtres que, selon Kant, "nous devons toujours considérer comme étant des fins qui se justifient par elles-mêmes, comme trouvant leur propre but en eux".

L'argument des adversaires du végétarisme est évidemment de confondre règne végétal et règne animal et donc de dénier aux végétariens le droit de s'alimenter. Bien que de nombreux cas de non-alimentation -ou inédie, respirianisme- aient été constatés chez des mystiques ou des ascètes, il existe tout de même des degrés dans le comportement végétarien. Ne pas manger d'êtres vertébrés -donc mammifères, oiseaux, poissons, reptiles- est déjà un grand pas en avant. Eviter ensuite les mollusques et les insectes, peu appétissants par ailleurs, en est un autre que l'on franchit dans la même foulée en général.

Ensuite, au niveau des monocellulaires, l'on peut discuter s'il convient de manger des bacilles lactiques de choucroute. Mais l'on est déjà très loin de la désagrégation d'organismes supérieurs. A mon avis, il existe une différence fondamentale entre le règne animal et le règne végétal, qui fait qu'à partir des unicellulaires et des végétaux, il n'existe plus de "sang" ou de souffle ou d'âme mais une énergie enzymatique simple. A ce niveau, les ésotéristes diraient qu'il n'y a plus de "corps de désir" mais seulement un corps chimique et un corps éthérique, directement assimilables. Il est démontré que les cellules humaines assimilent les cellules végétales sans vraiment les détruire, par exemple les molécules -pourtant énormes et très proches de celles de l'hémoglobine- de la chlorophylle. Absorber un végétal cru n'est pas le tuer mais le transférer à un autre niveau d'activité moléculaire. En revanche, chauffer à plus de 60 degrés Celsius tue effectivement le végétal et l'animal, en détruisant ce qui est finalement l'essence de la vie : les enzymes. Lire à ce sujet l'excellente étude du Dr Edward HOWELL : "Food Enzymes for Health and Longevity", Omangod Press, 1980, dont la traduction française a été réalisée à Genève par la Fondation Soleil. Par ailleurs la plante n'est en général ni "tuée" ni détruite, dans la mesure où le végétarien n'en prend que les fruits dans le sens large, c'est-à-dire les graines et les divers péricarpes et même tubercules et feuilles, sans réellement porter atteinte à la vie de la plante.

Prendre les racines ou la plante entière implique une destruction apparente, mais il faut tenir compte du fait que la vie même des plantes potagères est limitée à un ou deux ans dans la presque totalité des cas. Au lieu de pourrir en terre et d'être décomposée par les micro-organismes du sol, la racine comestible sera métabolisée et assimilée avec ses énergies vivantes, encore utiles; ce qui explique sans doute les vertus thérapeutiques étonnantes des racines. Avec toujours cette notion que je ressens fortement d'une absorption sans destruction, par une sorte d'osmose, sans discontinuité de la vie tant que l'aliment n'a pas été soumis à la manipulation de la cuisson. La dialectique du Cru et du Cuit de Lévi-Strauss est une structure utile mais je crois que l'état de véritable culture est mieux représenté par le cru -par le respect du tissu vivant des plantes- que par la détérioration thermique de la cuisson. Ce n' est pas pour autant que je défende "l'instinctothérapie" de Burger, dont je retiens surtout la démonstration biochimique mais dont je récuse l'artificialité naïve d'une table coûteuse, offrant une variété luxueuse d'aliments jamais vraiment disponibles en même temps dans la réalité. Et surtout prenant pour époque de référence les périodes glaciaires pendant lesquelles certains groupes humains n'ont pu survivre que par la consommation de viande, qu'ils faisaient cuire pour pouvoir surmonter leur dégoût et pour neutraliser les effets de la putréfaction. Pourquoi alors ne pas prendre pour référence les survivants d'accidents d'avion et prôner l'anthropophagie ? Manger "la plante jaunissante" ou mûrie, comme cela est prescrit aux premiers hommes au début de la Genèse, est un ordre clair, qui met en relief le fait que la plante en fin de vie peut être consommée sans remords, sans enfreindre l'interdiction de manger "la chair avec le sang".

Cette référence au texte biblique mérite un certain examen (CALQUE 4.1) où nous constaterons que la régression humaine, illustrée par la chute et par l'éloignement de Dieu, s'accompagne d'une régression alimentaire et vitale: l'être humain passe du fruitarisme initial (avant la chute)à l'agriculture (après la chute),puis au nomadisme et à l'élevage(après le meurtre d'Abel); pour finir après le déluge) par l'omnivorisme de la décadence actuelle, malgré l'exemple donné par le végétarien Daniel au roi Nabuchodonosor. (calques 5.2a/b)

Cette incursion dans l'aspect philosophique, historique et traditionnel du comportement végétarien repose le problème de la vie et de la mort sous un nouvel éclairage, qui nous oblige à une vision globale, donc écologique et planétaire. Sans refouler la question du tiers monde, qu'un seul schéma suffira à bien poser, celle de l'environnement, par son urgence intrinsèque, vient tout naturellement à la suite des considérations précédentes.

VI - L'écologie carnivore est une imposture

Pour revenir à cette nouvelle défense de la vie par ceux qui la respectent le plus logiquement, les végétariens, nous constaterons que ces derniers associent normalement d'autres revendications à leur comportement, qui pourrait rester discret et tolérant. Mais le silence n'est plus possible pour les raisons décrites précédemment. Défendre la vie animale implique forcément, non seulement d'être végétarien, mais de protester contre l'industrie de la fourrure, contre la chasse, contre les élevages en général et contre certains zoos concentrationnaires, contre la plupart des spectacles d'animaux "savants" et surtout contre la vivisection dans les laboratoires de cosmétiques, d'armements et de drogues médicamenteuses, qui se partagent à peu près également cet ignoble marché de dupes. De la croisade pour les frères animaux, le végétarien en arrive tout naturellement à la défense du milieu naturel de ces derniers et des hommes : l'environnement, le milieu vital. Et aussi à la défense des autres minorités exploitées par les mêmes forces négatives du profit : le tiers monde, le quart monde et les autres oubliés de ce qui se croit "un progrès".

L'ensemble des revendications impliquées par un comportement végétarien responsable a été parfaitement décrit par Armand Dumoulin,ancien président de la Société Végétariene de Genève et de Suisse Romande, dans un manifeste ainsi rédigé en août 1985, que l'on peut considérer comme la charte du néovégétarisme actuel. (CALQUE 6.1)

"Nous, végétariens du monde, demandons à chaque individu et à tous les gouvernements nationaux et organisations internationales de se joindre à nous pour une prise de conscience globale, permettant à l'homme de se transformer et de retrouver sa place dans l'Univers.

Vu la situation dans laquelle se trouve notre planète, il est urgent de passer à l'action, selon les principes suivants.

  1. Arrêter immédiatement tout déboisement et déclarer "parcs internationaux" toutes les forêts vierges qui restent sur la planète.
  2. Eliminer les causes de la pollution de l'espace vital.
  3. Entreprendre le reboisement à l'échelle mondiale, en imitant la nature : régénérer les sols et reverdir les déserts par des méthodes biologiques.
  4. Développer les énergies douces et renouvelables, pour remplacer les carburants fossiles (avant tout le pétrole) et le nucléaire, énergies polluantes et dangereuses.
  5. Abolir les systèmes militaires, instruments de pouvoir et de profit, indignes de l'homme.
  6. Réinstaurer la confiance universelle entre les hommes en développant une dynamique de fraternité.
  7. Réaliser le végétarisme pour qu'il devienne la règle générale de vie.

Il faut dix fois plus de terre arable pour nourrir un carnivore que pour nourrir un végétarien. Chaque citoyen du monde doit avoir accès à la terre pour cultiver sa propre nourriture. Par le végétarisme, le problème de la famine peut être résolu.

Depuis Hermès Trismégiste en ancienne Egypte, Pythagore en Grèce et le naturaliste latin Pline l'Ancien, jusqu'à nos jours, de grands sages et thérapeutes n'ont cessé de prôner les vertus nutritives et curatives, pour le corps et pour l'esprit, d'une alimentation naturelle fondée sur le végétarisme.

Si l'humanité veut que le monde change, il faut qu'elle modifie ses habitudes de vie, en prenant conscience de la valeur spirituelle du végétarisme."

Ce credo du nouveau végétarisme peut paraître ambitieux et aller au-delà d'un simple régime alimentaire. Mais à la réflexion, le choix de la vie contre la mort pose une dialectique rigoureuse avec un enchaînement déterministe implacable, qui n'avait peut-être pas été perçu antérieurement : le comportement végétarien, par sa logique interne en faveur de la vie naturelle contre les antivaleurs marchandes, apparaît comme la base sur laquelle les autres mouvements doivent finalement venir se poser sous peine de rester superficiels. Avant de venir apporter de nouvelles règles de vie pour un monde plus sain, il faut avoir intégré en soi-même ce choix. Or le comportement végétarien me semble être l'attitude la plus sincère qui soit compatible avec une survie dans le monde industrialisé, tout en offrant une solution écologique vraiment à la mesure du problème actuel, auprès de laquelle les thèses des "Verts" actuels paraissent bien timides et bien pâles. A mon avis, si l'humanité veut survivre, ce ne sera que par un retour au végétarisme de ses origines. (CALQUE 6.2)

Comme le disait Héraclite, "la santé de l'homme est le reflet de celle de la Terre": force nous est de constater que l'une et l'autre sont bien compromises par le comportement carnivore et agressif des non-végétariens. Il faut en effet autant de combustibles fossiles pour fabriquer la nourriture moderne qu'il en faut pour chauffer les maisons ou propulser les voitures. Et il faut autant de matières premières pour l'alimentation industrielle que pour fabriquer des voitures ou des machines. Cette industrie alimentaire utilise 20 fois plus d'eau que les ménages: il faut 400 litres d'eau par heure, 24 heures sur 24, pour faire face aux besoins alimentaires d'une seule personne. La production de boeuf nécessite 80 fois plus d'eau que celle des pommes de terre ou des bananes. Le bétail contribue bien plus à la pollution de l'eau que toute l'industrie et tous nos égouts combinés. La production, le transport, la préparation et la vente des aliments absorbent environ 16,5 % de toute l'énergie des Etats-Unis, où 75 % de l'alimentation est d'origine industrielle.

Il a été calculé qu'il suffirait de 5 % des surfaces arables si la population des Etats-Unis adoptait le régime végétarien, et cela en agriculture dite biologique, sans produits chimiques artificiels. Un programme de reboisement massif pourrait alors être entrepris. Le meilleur rendement alimentaire à l'hectare est obtenu par les vergers. Les routes pourraient être plantées de noyers et de châtaigniers : une double rangée de ces arbres, sur une distance de seulement 16 kilomètres, correspondrait déjà à une surface de 46 hectares. Les arbres fruitiers peuvent participer au reboisement, avec les mêmes avantages écologiques de conservation de la couche d'humus. Une société entièrement nouvelle pourrait se dégager du chaos actuel si les choix fondamentaux étaient acceptés, comme le comportement végétarien.

Un auteur américain resté inconnu, Bruno Schubert, avait publié en 1967, en Californie, un petit livre excellent, qui démontrait comment un changement alimentaire de ce type, accompagné d'une réforme économique proche des thèses de l'économie franche de Gesell ou de l'économie distributive de Duboin, pouvait transformer la société et la conduire vers un âge d'or inespéré. Ce livre est introuvable maintenant mais j'en ai fait la traduction française il y a quelques années, à toute fin utile. Le manuscrit est chez un petit éditeur parisien, "Le Courrier du Livre", qui n'a toujours pas pu le faire paraître, malheureusement. Son titre: "La Survie de l'Humanité". Il est rare de nos jours de trouver réunis, dans un ensemble rationnel, les réformes économiques, écologiques et alimentaires, indissociables en fait. Cela pourrait devenir la base d'une nouvelle discipline de synthèse, peut-être d'une "éconologie sociale".

Il faut en effet tenir compte en même temps de facteurs tels que le genre d'alimentation, la structure de propriété de la terre, la redistribution du revenu national, l'équilibre et la conservation des ressources naturelles, tant animales que végétales et minérales, si l'on veut faire une écologie digne de ce nom. C'est pourquoi, sachant que sur la surface de 5 terrains de football, cent personnes peuvent vivre de graines germées mais seulement deux avec de la viande de boeuf, je maintiens que le végétarisme est la clé du problème planétaire et donc de la survie de notre espèce.

Mais il nous faut maintenant dire un mot du tiers monde, qui est pour la société ce que la maladie est pour l'individu ou la pollution pour l'environnement, c'est-à-dire la démonstration criante d'un échec, d'une erreur fondamentale. Car lorsqu'il est question de destruction de l'environnement et d'atteintes à l'homéostasie planétaire, c'est à cause de ce qui se passe dans le tiers monde, considéré sous le même angle que l'environnement, c'est-à-dire comme un réservoir naturel pratique, pour une prise au tas et un saccage sans aucuns scrupules. (CALQUE 6.3)

C'est ainsi que 50 hectares de forêt tropicale humide disparaissent du globe toutes les MINUTES, pour faire de la viande et rembourser des dettes imaginaires, des écritures abstraites, menaçant ainsi l'approvisionnement de l'humanité en oxygène. C'est pourquoi les végétariens anglais affirment que la viande n'est pas seulement un meurtre, c'est un suicide. (CALQUE 6.4)

Le désastre écologique du carnivorisme ne concerne pas seulement le tiers monde. La désertification du sol grâce auquel nous existons est en cours aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis. Pour ce pays par exemple, nous citerons quelques données d'un article paru dans la revue mensuelle américaine "The Atlantic" en novembre 1989 sous le titre "Back to Eden", par Evan Eisenberg.

Cet article rend compte des analyses du généticien Wes Jackson, qui a fondé en Arkansas un "Land Institute" qui prône l'abolition de l'agriculture actuelle et le retour à la prairie de graminées sauvages. Le processus d'évolution qui a commencé il y a 400 millions d'années pour aboutir aux espèces actuelles s'est inversé il y a 10 000 ans environ, avec l'arrivée d'une forme de vie appelée "le paysan". Le soc de la charrue a sans doute plus privé d'avenir les futures générations que l'épée. La prairie vit du revenu de ses intérêts, tandis que le champ de blé vit sur le capital. Aux Etats-Unis, un tiers de l'humus a déjà disparu, brûlé par l'inondation chimique. En 1948, il fallait 7 500 tonnes d'insecticide pour ne laisser aux insectes que 7 % des récoltes. En 1988, 40 ans plus tard, les insectes en consomment le double malgré dix fois plus d'insecticides! Tout cela pour la viande, puisque 88 % de toute la matière végétale ainsi obtenue sert à nourrir les porcs, les boeufs et la volaille. Si 4 millions de paysans américains ont quitté la terre depuis 1938, ce n'est que pour laisser la place à des entreprises de destruction agricole toujours plus performantes, qui exportent leurs méthodes et leurs produits chimiques, et même leurs semences traitées par la biotechnologie, vers le tiers monde. Ajoutons le fait qu'actuellement nous voyons des régions entières privées d'eau potable en raison de pollution par nitrates et lisiers; ainsi que des épidémies d'encéphalite chez les bovins ingérant des déchets animaux comme nourriture...

VII. Du carnivorisme à l'anthropophagie du tiers monde par les riches

(Calque 7.1)

Ce titre peut surprendre mais n'est que le reflet lapidaire d'une réalité concrète et mesurable, que le schéma fondamental suivant illustrera clairement. Le tiers monde meurt de faim pour que les pays riches meurent de pléthore. Toutes justifications hygiénistes ou autres du végétarisme mises de côté, cette seule constatation a suffi pour ouvrir les yeux et le coeur de nombreux végétariens.

"Le bétail des pays riches mange autant de céréales que les Indiens et les Chinois réunis. Il faut en effet une moyenne de 7 kilos de denrées alimentaires consommables directement par l'homme pour obtenir un seul kilo d'aliment d'origine animale." (Sauvez votre Corps, Dr. Kousmine, p. 215). Un atelier géant de Californie groupant 100 000 bovins consomme chaque jour 850 tonnes de maïs, de quoi nourrir 1,7 millions d'Est-Africains (ibid.).

La moitié de l'eau des Etats-Unis sert à engraisser le bétail à viande, soit 5 fois la consommation de la population du pays, avec 20 fois plus d'excréments et 85 % de perte d'humus. Ce qui se passe dans les pays pauvres eux-mêmes, non seulement pour se nourrir mais pour payer une dette purement comptable, c'est-à-dire des écritures de crédit bancaire créé ex nihilo à 90 % et cependant assorti d'intérêts non encore créés, est encore bien pire. Il faut en effet, comme indiqué précédemment, une moyenne de 5 mètres carrés de forêt tropicale à défricher pour obtenir en viande l'équivalent d'un hamburger toxique.

Le problème de la faim dans le monde est faussé à la base dans la mesure où il n'est pas tenu compte d'un éventuel retour au végétarisme, souvent traditionnel dans les sociétés du tiers monde. Importer d'Ethiopie, en pleine famine, la nourriture du bétail à viande revient, d'une manière indirecte certes, à retirer le pain de la bouche des exploités et à les pousser à tous les extrêmes, dont la mort. C'est pourquoi je pense pouvoir affirmer que les pays carnivores ont une conduite anthropophage à l'égard du tiers monde, uniquement pour des satisfactions d'ordre gastronomique. Les pays de l'Est, l'URSS en particulier, achètent sur le marché mondial d'énormes quantités de céréales (52 millions de tonnes en 1984 pour l'URSS), dont une grande partie alimente leurs animaux à viande. (7.2)

Dans les pays industrialisés occidentaux, seuls 22 % des céréales sont utilisés pour l'alimentation humaine, alors que dans les pays en développement ce taux est de 87 %, selon la FAO (chiffres de 1981). La Suisse importe chaque année 1,4 million de tonnes de céréales, dont 71 % pour les animaux de boucherie. Il suffirait que les Etats-Unis, par exemple, mangent 10 % de moins de viande pour que 60 millions de personnes ne meurent pas de faim (valeur citée par le Dr Christian Schaller dans la Tribune de Genève du 30 novembre 1989 et dans "Le Lien" de ce même mois). (7.3)

René Dumont affirme qu' "avec notre façon actuelle de nous nourrir, nous sommes devenus de véritables cannibales". Il souligne par exemple que la production de viande absorbe en céréales ce qui aurait pu nourrir 2 milliards d'êtres humains, cela chaque année !

(7.4) Avec la quantité de céréales que l'on utilise pour nourrir les animaux d'élevage dans les pays occidentaux, on pourrait nourrir toute la population du globe. 1 seul hectare donne 7 800 000 calories avec du pain, 3 millions avec du lait mais seulement 121 576 avec de la viande. En termes de protéines, cela correspond à 255, 153 et 13 grammes respectivement (Dr Schlemmer).

(7.5) Tragédie mondiale : 300 Boeing Jumbo s'écrasent chaque jour. Plus de 500 millions de personnes sur cette planète sont gravement sous-alimentées et 40 millions meurent chaque année d'inanition ou de maladies de carence alimentaire. C'est l'équivalent du naufrage de 300 Jumbo-Jet par jour, sans survivants. Ce prospectus de la Société végétalienne anglaise vise non seulement à l'abstention de la viande mais à celle de tous les sous-produits animaux, comme les oeufs, le fromage et le lait. La documentation des "Vegans" est très bien faite et approfondit le débat ouvert par le lacto-végétarisme courant. En quatre images, le circuit du lait en poudre est dénoncé ici: "Votre bébé n'a pas le droit de manger les cacahuètes que vous cultivez parce que nous devons les exporter....afin d'engraisser les vaches européennes, pour qu'elles puissent donner plus de lait que tous les gens riches ne peuvent en consommer.

Qu'est-ce qu'ils en font alors ? Eh bien ils le transforment en poudre et le renvoient ici pour alimenter votre ..." Mais le bébé du tiers monde est mort de faim entre-temps. De toute façon, le lait en poudre n'est pas approprié pour l'alimentation des enfants.

(7.6) L'ordre injuste du monde est bien illustré par ces graphiques. Moins de 1 % de gros propriétaires brésiliens possèdent 46 % des terres, tandis que 89 % de petits propriétaires n'en ont que 18 %, le reste (34 % des terres) étant entre les mains des propriétaires moyens (9 %). Quant aux exportations de viande du Brésil, leur croissance est superposable à celle de la "dette" et à celle de la désertification de la forêt amazonienne. Tout cela pour satisfaire la demande en viande des nantis. Cette superposition sera mieux illustrée par la courbe suivante, tirée du Monde Diplomatique.

(7.7-7.8)La faim n'est pas un problème de production agricole puisque par exemple le Brésil pourrait fournir 6 000 kcal par jour à chacun de ses 125 millions d'habitants. C'est un problème de distribution. De 1960 à 1980, les 5 % des plus riches Brésiliens ont vu leur part du revenu national passer de 28 % à 38 %, tandis que celle de la moitié pauvre de ce pays tombait de 17 % à 12 % ! En 1961, 38 % des Brésiliens étaient sous-alimentés (moins de 2240 kcal/jour) mais en 1984 ce taux était de 65 % de la population entière, soit 86 millions de personnes.

(7.9) Pour ce qui concerne la Suisse, peu de gens savent que le tiers de la fameuse "viande des Grisons" vient d'Argentine... La Suisse n'importe que 4 % environ de son fourrage concentré (tourteaux de soja) du tiers monde, le reste venant de la CEE. Or il faut savoir que celle-ci en importe l'équivalent de la production de 10 % de ses surfaces agricoles, soit 18 millions de tonnes en 1984, directement du tiers monde, pour en réexporter une partie en Suisse; qui est donc, d'une manière ou d'une autre, complice de la désertification de ces pays par l'intermédiaire des grossistes pour les chaînes de restauration rapide ou gastronomique, pour les supermarchés etc.

MA FORET POUR UN HAMBURGER ! (7.10) Pour chaque kilo de viande exporté par le Costa Rica, ce pays sacrifie deux tonnes et demie de sa mince et unique couche d'humus. Et plus de mille tonnes de boeuf sont transformées chaque jour dans les McDonald des Etats-Unis.

En 1950, 72 % du territoire du Costa-Rica était boisés. Aujourd'hui, sa couverture forestière n'est plus que de 26 %, 60 000 hectares étant essartés chaque année. Au cours de la première année qui suit l'essartage, il faut un hectare de prairie artificielle pour qu'une tête de bétail mange normalement.

Au bout de 5 ans, la mince couche d'humus est épuisée au point qu'il faut pour chaque animal 5 à 7 hectares. Il suffit ensuite de 3 à 5 ans pour que le désert soit installé. Alors on allume un incendie plus loin: au cours des mois de juillet et août 1989, 59 000 incendies ont dévasté en Amazonie quelque 33000 kilomètres carrés, soit plus que la Belgique. (Tribune de Genève du 1er septembre 1989, p. 7).

Et, toutes les 17 heures, s'ouvre quelque part dans le monde un nouveau McDonald, pour débiter plus de 25 millions de hamburgers par JOUR; ce qui correspond à 125 kilomètres carrés de désert supplémentaire par jour; et à la disparition d'espèces végétales et animales irremplaçables puisque l'on ne connaît guère que quelques centièmes des propriétés biochimiques des plantes et que l'on découvre constamment de nouvelles espèces vivantes dans ce qui reste de surfaces sauvages.

L'accumulation de ces données donne le vertige, tant par leur énormité que par leur absurdité fondamentale. Mais à la source de cette frénésie autodestructrice, il y a toujours les deux pulsions de Freud : être grand et se faire plaisir; c'est-à-dire, en termes macro-analytiques, faire du profit financier et consommer des valeurs marchandes. Ce qui nous reconduit aux motivations individuelles et aux déterminations sociales, économiques et politiques. Si, chaque jour, le tiers monde est en mesure de nous verser 200 millions de dollars d'intérêts, c'est que nous prenons au tas sur lui et que lui prend au tas de l'environnement : le résultat sera le même pour tout le monde, sauf que seule une toute petite partie des hommes en aura profité pour ses plaisirs.

Conclusion : végétarisme ou apocalypse ?

Le comportement végétarien remet en cause l'ensemble de cet ordre injuste et le dénonce car il a autre chose à proposer. Albert Einstein disait à ce sujet: "selon mon point de vue, le mode de vie végétarien, par ses effets physiques sur le tempérament humain, pourrait influencer, d'une manière extrêmement bénéfique, le sort de l'humanité". La réciproque est que le mode de vie non végétarien peut influencer, ce que nous constatons, de manière extrêmement destructive le sort de cette humanité. René Dumont annonce le point de non-retour pour l'an 2000 : si d'ici à la fin de ce siècle le végétarisme n'est pas devenu le comportement normal et conscient des hommes, l'apocalypse aura lieu. C'est peut-être ce que, inconsciemment, la société attend, se sentant confusément tombée dans un monde qui n'est pas le sien. Mais comment retrouver une dimension surhumaine perdue par une chute immémoriale si l'on n'est pas capable de s'harmoniser avec ses congénères et les autres espèces vivantes ?

Bibliographie

Chapitre I - La motivation personnelle

  • J. Ziegler : LES VIVANTS ET LA MORT, Seuil, Paris, 1975.
  • LA GUEULE OUVERTE, revue mensuelle, Paris, 1969
  • L. Ossipow : LE VEGETARISME, Cerf, Paris, 1989.
  • Leakey et alii : Nature 1976, in M. Bader : LES DENTS DE LA VIANDE ET LES DENTS DU BLE, Science et Vie, 11-1985, p. 166.
  • DER VEGETARIER, 03-1987 (Vegetarier Bund Deutschlands)
  • Uni-Berufs-Magazin, 02-1987.
  • Der Tagesspiegel, 15-01-1987.

Illustrations :

  • Stern v.3-12-87, in Der Vegetarier.
  • Süddeutsche Zeitung, 7-12-86, in Der Vegetarier.
  • Documentation de la "Vegetarian Society",Parkdale, Dunham Rd., Altrincham,
  • Cheshire WA14 4QG (Royaume-Uni).

Chapitre II - L'imposture médico-industrielle

  • M.J. Brélaz: LA SANTE EST AU FOND DU TIROIR-CAISSE, J. de Genève, 24-9-1983.
  • I. Illitch : LA NEMESIS MEDICALE, Seuil, 1975.
  • H. Ruesch : NAKED EMPRESS, Civis, Klosters, 1982.
  • H. Ruesch : CES BETES QU'ON TORTURE INUTILEMENT, Favre, Lausanne, 1980.
  • H. Ruesch : Report nr. 5, p. 7., Spring 89, POB 152 - 6900 Massagno-Lugano.
  • Houston et Null, revue Our Town, 3-9 et 29-10-1978.
  • People's Medical Society : MEDICINE ON TRIAL, Prentice-Hall, 1983.
  • Tribune de Genève, 6-01-1988, p.3.
  • Dr Elmiger : LA MEDECINE RETROUVEE, Lausanne, 1985.
  • Dr Chavanon : LA GUERRE MICROBIENNE, Dangles, Paris, 1950.
  • Dr Gallagher, in Journ. Americ. Medic. Assoc. 14-03-1964.
  • Mitteilungen, 12-1987, Max Keller, 8038 Zürich.
  • Dr Samuze, RIRE C'EST LA SANTE, Soleil, Genève, 1986.

Livres non cités mais recommandés à ce sujet :

  • Morris A. Bealle: THE DRUG STORY, Biworld Publishers, Orem, Utah, USA.
  • Dr K.A. Lasko : THE GREAT BILLION DOLLAR MEDICAL SWINDLE, Bobbs-Merrill Co.,
  • Indianapolis, N.Y., 1980.
  • Dr R. Kunnes : YOUR MONEY OR YOUR LIFE, Dodd, Mead, New York, 1974.
  • Dr R. Mendelsohn : CONFESSIONS OF A MEDICAL HERETIC, Warner, 1978.
  • P. Collier et D. Horowitz : THE ROCKFELLERS - AN AMERICAN DYNASTY, 1976.
  • F. Lundberg : THE RICH AND THE SUPER-RICH, Lyle Stuart, 1968.

Chapitre III - Végétarisme et tabous alimentaires

  • L. Brown: L'ETAT DE LA PLANETE, Worldwatch Institute, 1989.
  • Dr J.A. Scharffenberg: VIANDE ET SANTE, Soleil, Genève, 1985
  • Dr R. Ballentine : TRANSITION TO VEGETARIANISM, Himalayan Institute, Honesdale, USA, 1987.
  • LE SUISSE VEGETARIEN, Tribune de Genève, 18-08-1988.
  • Déclaration de Berne, DOSSIER VIANDE, Vers Un Dév. Solidaire, Lausanne, 06-1988
  • CORAN, sourate VI.
  • D. Bloud: MANEGE A QUATRE, TdG 25-07-1984, p. 14.
  • D. Bloud: L'ALIMENTATION ET L'AGRESSIVITE, TdG 26-04-1984, p. 20.

Chapitre IV - Végétarisme et terrorisme alimentaire: l'occultation politique

  • Féd. Coop. Migros: LA BONNE NUTRITION, Construire, Lausanne, 25-01-1989.
  • D. Bloud - Société Vég. Romande: LETTRE A MIGROS, 25-01-1989.
  • N. Oehninger - F.C.M. : LETTRE A D. BLOUD, 20-02-1989.
  • VIVRE SAINEMENT NE SUFFIT PAS, TdG, 23-02-1989.
  • D. Bloud : VIE SAINE, TdG, p. 44, 08-03-1989.
  • SIDA, Science et Vie, Paris, 10-1985.(M. Contig :"SIDA: LA PISTE DU MOUTON")
  • SIDA: LE VIRUS QUI S'EVAPORE, TdG, 21-04-1988.
  • D. Bloud : VIE SAINE CONTRE SIDA, 24 Heures, Lausanne, 05-03-1987.

Chapitre V - L'écologie carnivore est une imposture

  • A. Dumoulin: MANIFESTE VEGETARIEN, Soc. Vég. de Genève, 08-1985.
  • B. Schubert: SURVIVAL OF MANKIND, 1967 - Trad. fr. D. Bloud : LA SURVIE DE L'HUMANITE, Le Courrier du Livre, Paris, inédit à ce jour.
  • D.S. Nelson: THE ECOLOGICAL ASPECTS OF A HYGIENIC/FRUITARIAN DIET, Life on Earth, P.O. Box 872, Santa Cruz, CA 95061, USA - Trad. fr. M. Dégallier et D. Bloud : LES ASPECTS ECOLOGIQUES D'UN REGIME DE SANTE FRUITARIEN, Document-Santé 38, Dégallier, Morges.
  • E. Eisenberg:BACK TO EDEN, The Atlantic, nov. 1989

Chapitre VI - Histoire et philosophie du végétarisme

  • J.A. Gleizès: THALYSIE OU LA NOUVELLE EXISTENCE, 1300 p., Paris, 1840.
  • Dr E. Howell: FOOD ENZYMES FOR HEALTH AND LONGEVITY, Omangod Press, USA, 1980.
  • C. Lévi-Strauss: LE CRU ET LE CUIT, Paris.
  • Dr E. Bertholet: VEGETARISME ET SPIRITUALISME, Genillard, Lausanne, 1964.

Chapitre VII - Du carnivorisme à l'anthropophagie du tiers monde par les riches

  • Dr C. Kousmine: SAUVEZ VOTRE CORPS, Laffont, Paris, 1987.
  • Dr C. Schaller: VIANDE, TdG, 30-11-1989.
  • Dr A. Schlemmer: LA METHODE NATURELLE EN MEDECINE, Le Seuil, Paris, 1969.
  • R. Suzineau : CLEFS POUR LE VEGETARISME, Seghers, Paris, 1977.
  • The Vegan Society Ltd., 33-35 George St., Oxford OX1 2AY, Royaume-Uni.
  • D. Bloud : EFFET BOEUF, 24 Heures, Lausanne, 21-04-1989.
  • D. Bloud : LA FORET POUR QUELQUES BOULETTES, La Grande Relève, Paris, 04-1989.
  • AMAZONIE: 59 000 INCENDIES EN 2 MOIS, TdG, p. 7, 01-09-1989.

Autres ouvrages utiles mais non spécifiquement cités

  • J. Barkas : THE VEGETABLE PASSION, Routledge & Kegan Paul, London, 1975.
  • Dr H.G. Bieler : FOOD IS YOUR BEST MEDICINE, Ballantine Books, 1966.
  • Dr Bonnejoy : LE VEGETARISME ET LE REGIME VEGETARIEN RATIONNEL, Paris, 1889 (une photocopie de cet ouvrage a été donnée à la SVG par D.B.)
  • Sir William Earnshaw Cooper : LA CULPABILITE SANGUINAIRE DE LA CHRETIENTE (traduit par Margaret Carpenter).
  • Dr P. Dauphin: LE FRUIT-ALIMENT, Marseille, 1934.
  • P. Desbrosses: LE KRACH ALIMENTAIRE, Rocher, 1988.
  • Dr J. Lévy : LA REVOLUTION DE LA MEDECINE, Rocher, 1988.
  • Prof. Raoux: MANUEL D'HYGIENE ET DE VEGETARISME, Lausanne, 1881.
  • D. Weir et M. Shapiro : PESTICIDES SANS FRONTIERES.
  • G. Messadié: L'ALIMENTATION SUICIDE, Fayard, Paris.

Le végétarisme dans la Bible (5.1)

Avant la chute : le fruitarisme
  • "Voici, je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence ; ce sera votre nourriture." (Gen. 1.29)
  • "Dieu fit germer du sol tout arbre d'aspect attrayant et bon à manger" Gen. 2.9
  • "Tu pourras manger de tout arbre du jardin" (Gen. 2.15)
  • "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin" (Gen. 3.2)
Après la chute : l'agriculture
  • "Le sol sera maudit à cause de toi: c'est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. Tu mangeras l'herbe des champs." (Gen.3, 17-18)
  • "Dieu le renvoya du jardin d'Eden pour qu'il cultive le sol d'où il avait été tiré." (Gen. 3.23)
Après le meurtre d'Abel : le nomadisme et l'élevage
  • "Maintenant tu seras maudit loin du sol. Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus sa richesse. Tu seras errant et inquiet sur la terre." (Gen. 4.11-12)
  • "Tu me chasses aujourd'hui loin du sol arable." (Gen. 4.14).
Après le déluge : l'omnivorisme de la décadence
  • "Vous serez un sujet de crainte et de terreur pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui rampe sur le sol et pour tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui rampe et qui vit vous servira de nourriture : je vous le donne comme je l'ai fait des végétaux. (autre traduction : "A tout ce qui remue et qui vit je donne pour nourriture toute herbe jaunissante. Je vous donne tout." TOB). Toutefois vous ne mangerez pas la chair avec sa vie c'est-à-dire avec son sang." (Gen. 9,2-4).
  • EXCES DE VIANDE : L'épisode des cailles dans le désert. "Ils mirent au tombeau les gens du peuple qui avaient été en proie à la convoitise". (Nombres 11,34).
  • LES SACRIFICES D'ANIMAUX NE SONT PAS AGRÉÉS : "Les sacrifices qui me sont offerts, ils les sacrifient et en mangent la chair : Iahvé ne les agrée pas" (Osée 8,13). "La docilité vaut mieux que la graisse des béliers" (I Sam. 15.22) (Osée 6.6)
  • SUPERIORITE DU REGIME VEGETARIEN : L'épisode de Daniel (1, 1-21) mis à l'épreuve du régime de légumes sur sa demande. (voir 5.2)

vendredi 10 février 2006

Piliers du développement durable

Généralement, on considère que le développement durable comprend trois piliers : l'environnement (respect de la nature, eau douce, biodiversité, beauté du paysage..), le social (droits de l'Homme, respect de l'Homme et des communautés, religions, nations..), et l'économie (critère de faisabilité, coût moindre..).

J'aimerai partager un autre point de vue, un découpage légèrement différent avec toujours trois piliers : l'environnement (respect de la nature : matière, vie végétale et animale), le social (respect des autres êtres humains, des individus comme des groupes : pays, religion..) qui comprend l'économie qui est bien un phénomène social, et enfin la relation à soi-même (respect de soi-même).

J'ai ajouté ce pilier de relation à soi-même car il me semble important. Et je pense que tout le monde y accorde aussi une grande importance puisqu'il s'agit d'être heureux, d'avoir "bonne conscience" et cela demande de se connaître et d'agir en accord avec ses propres valeurs.

Quel rapport avec le développement durable, me direz-vous ? Eh bien, tout simplement parce qu'il faut de la foi et du courage pour changer le monde. Et cela demande de la foi en soi !

Pour prendre une image, on dit pour la biodiversité, que chaque espèce est importante. De même, chaque être humain compte et est important.

A cela, on peut voir un pilier central partagé par ces trois piliers, qui est le respect et plus généralement l'éthique.

Si on agit dans ces trois domaines de relation d'une bonne façon, on peut s'attendre alors à de bons résultats.

On comprend donc que l'effort principal est de trouver des valeurs universelles, définir une éthique acceptée et suivie par tous, bref redéfinir le "bien" et le "mal". A cela, les religions ont tenté de donner une réponse. Les athées aussi, dans une volonté humaniste, en parlant d'éthique et d'esthétisme.

Une bonne base de départ dans cette recherche est cette valeur du respect.

On comprend intuitivement, que le respect de l'autre signifie respecter ses différences, sa couleur, ses croyances, sa culture : on lui donne le droit de s'exprimer. On peut parler de tolérance. On respecte aussi ce qui le rend commun à nous, son statut d'être humain qui a besoin de se nourrir convenablement, d'une bonne hygiène (eau douce).. On peut parler de générosité.

Le respect du soi correspondrait par exemple à ne pas accepter des valeurs qui ne sont pas les siennes. Cela n'empêche pas d'accepter que quelqu'un d'autre ait ces valeurs !

Le respect de l'environnement est facile à comprendre mais difficile à mettre en oeuvre car demande une connaissance des animaux, des plantes, de la nature. Or, on a perdu cette relation à la nature, en vivant dans des villes..

Un grand programme en perspective, n'est-ce pas ?