samedi 29 octobre 2005

Les droits de l’homme incarnent les valeurs fondamentales des civilisations humaines

Les individus sont différents, tout comme leurs cultures.
Les individus vivent de manières différentes, et leurs civilisations diffèrent également.
Les individus parlent une grande variété de langues.
Les individus sont guidés par différentes religions.
Les individus naissent avec une couleur de peau différente, et de nombreuses traditions influencent leur vie en différentes teintes et ombres.
Les individus s’habillent différemment et s’adaptent à leur environnement de manière différente.
Les individus s’expriment différemment. La musique, la littérature et l’art reflètent également différents styles.
Et, malgré ces différences, tous les individus ont un attribut commun unique: ce sont tous des êtres humains - ni plus, ni moins.

Et aussi différentes qu’elles soient, toutes les cultures adhèrent à certains principes communs :

  • Aucune culture ne tolère l’exploitation des êtres humains.
  • Aucune religion ne permet le massacre des innocents.
  • Aucune civilisation n’accepte la violence ou la terreur.
  • La torture est odieuse pour la conscience humaine.
  • La brutalité et la cruauté sont révoltantes dans toutes les traditions.

En somme, ces principes communs, qui sont partagés par toutes les civilisations, reflètent nos droits de la personne humaine.
Ces droits sont estimés et chéris par tous, partout.
Ainsi, la relativité culturelle ne doit jamais être utilisée comme un prétexte à la violation des droits de l’homme, puisque ces droits incarnent les valeurs les plus fondamentales des civilisations humaines. La Déclaration universelle des droits de l’homme doit être universelle, applicable à l’Orient et à l’Occident. Elle est compatible avec chaque confession et chaque religion. Manquer au respect de nos droits de l’homme ne fait qu’affaiblir notre humanité.
Ne détruisons pas cette vérité fondamentale, sinon, les faibles ne sauront vers quoi se tourner.

Shirin Ebadi
Prix Nobel de la Paix 2003

Source : Rapport Mondial sur le Développement Humain 2004 - La liberté culturelle dans un monde diversifié (Fin du chapitre 1)

samedi 8 octobre 2005

Charte du Manden

La Charte du Manden (ou Mandé, Manden est la transcription officielle du pays mandingue) a été conçue par la confrérie des chasseurs du Mandé (au sud de Bamako). Cette déclaration, solennellement proclamée le jour de l'intronisation de Sundjata Keïta comme empereur du Mali, à la fin de l'année 1222. Elle affirme l'opposition totale de la confrérie des chasseurs à l'esclavage qui était devenu courant en Afrique de l'ouest. L'abolition de l'esclavage fût une œuvre maîtresse de Soudjata Keïta et de l'Empire du Mali.

Cette charte peut être considérée comme la première déclaration des Droits de l'Homme.

Voici le texte de cette charte :

Le mandé fut fondé sur l'entente et la concorde, l'amour, la liberté et la fraternité. Cela signifie qu'il ne saurait y avoir de discrimination ethnique ni raciale au mandé. Tel fut le but de notre combat. Par conséquent, les enfants de Sanène et Kontron font, à l'adresse des douze parties du monde et au nom du Mandé tout entier, la proclamation suivante :

Toute vie humaine est une vie. Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre mais une vie n'est pas plus ancienne, plus respectable qu'une autre vie, de même qu'une vie ne vaut pas mieux qu'une autre vie.

Toute vie étant est une vie, tout tort causé à une autre vie exige réparation. Par conséquent, que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause de tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable.

Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, que chacun éduque ses enfants, que chacun pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

Que chacun veille sur la terre de ses pères par patrie, pays, ou terre des pères, il faut entendre aussi et surtout les hommes : car tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface connaîtrait le déclin et la désolation.

La faim n'est pas une bonne chose, l'esclavage non plus n'est pas bonne chose. Il n'y a pire calamité que ces choses-là, dans ce bas monde. Tant que nous disposerons du carquois et de l'arc la famine ne tuera personne dans le Manden, si d'aventure la famine survient ; la guerre ne détruira plus jamais les villages pour y prélever des esclaves ; c'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable, pour aller le vendre ; personne ne sera non plus battu au Mandé à fortiori mis à mort, parce qu'il est fils d'esclave.

L'essence de l'esclavage est éteinte ce jour d'un mur à l'autre du Mandé. Les razzias sont bannies à compter de ce jour au Mandé, les tourments nés de ces horreurs disparaîtront à partir de ce jour au Mandé. Quelle horreur que la famine ! Un affamé ignore toute pudeur, toute retenue. Quelle souffrance épouvantable pour l'esclave et l'affamé, surtout lorsqu'ils ne disposent d'aucun recours. L'esclave est dépouillé de sa dignité partout dans le monde.

Les gens d'autrefois nous disent : « L'homme en tant qu'individu fait d'os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau recouverte de poils et de cheveux se nourrit d'aliment et de boisson. Mais son âme, son esprit vit de trois choses : voir celui qu'il a envie de voir, dire ce qu'il a envie de dire et faire ce qu'il a envie de faire. Si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme, elle en souffrirait, et s'étiolerait sûrement. »

Chacun dispose désormais de sa personne, chacun est libre de ses actes, dans le respect des interdits des lois de sa patrie.

Tel est le serment du mandé à l'adresse des oreilles du monde tout entier.

(Source : Aboubacar Fofana ; La Charte du Mandé et autres traditions du Mali, calligraphies de, Les Carnets du calligraphe, éditions Albin Michel.)

Source : Wikipedia