< 1 2 3 4

vendredi 9 décembre 2005

Des études montrent que la récompense n'est pas un moteur de motivation

La créativité et l'intérêt intrinsèque diminuent si la tâche est accomplie pour de l'argent

Par Alfie Kohn
Article spécial du Boston Globe
[réimprimé avec la permission de l'auteur, du lundi 19 janvier 1987, Boston Globe. Les droits de traduction sont
également autorisés avec l'aimable permission de l'auteur en 2003. ed.]

Un GNU philosophe
Un GNU philosophe,
à l'attitude particulièrement éveillée avec ses sourcils espiègles.

En laboratoire, les rats gagnent des céréales, en classe, les meilleurs étudiants obtiennent un 20/20 et, à l'usine ou au bureau, les meilleurs travailleurs obtiennent des augmentations. Pour la plupart d'entre nous, c'est un credo que les récompenses poussent à de meilleures performances.

Mais un nombre grandissant de recherches suggère que cette loi n'est plus aussi solide qu'on le pensait. Les psychologues ont été amenés à trouver que les récompenses peuvent diminuer le niveau des performances, surtout si la performance à trait à la créativité.

Une série d'articles montre que l'intérêt intrinsèque pour une tâche, le sentiment qu'une chose vaille la peine qu'on la fasse pour elle-même, décline de façon caractéristique lorsqu'on récompense quelqu'un pour accomplir cette tâche.

Si une récompense (argent, prix, éloge ou gagner une compétition) vient à être considérée comme la raison de s'engager dans une activité, cette même activité sera perçue comme fondamentalement moins agréable.

À l'exception de quelques Béhavioristes qui doutent de l'existence réelle de la motivation intrinsèque, ces conclusions sont maintenant largement acceptées dans le monde des psychologues. Globalement, elles suggèrent que nous réprimerions, inconsciemment, l'intéressement et que nous découragerions l'innovation chez les travailleurs, les étudiants et les artistes.

Reconnaître que les récompenses peuvent avoir des effets contre-productifs, s'appuie sur de nombreuses études qui ont montré par exemple que : les enfants récompensés pour avoir fait un dessin sont moins enclins à dessiner d'eux-mêmes que ceux qui dessinent juste pour s'amuser. Les adolescents récompensés aux jeux de lettres y prennent moins de plaisir et ne font pas aussi bien que ceux qui jouent sans récompenses. Les employés qui reçoivent des éloges pour avoir réussi dans ce que leur demandait leur patron, souffrent d'une baisse de motivation.

La plupart des recherches sur la créativité et la motivation ont été menées par Theresa Amabile, Professeur adjointe de psychologie à l'Université de Brandeis. Au début de l'année dernière, dans un journal publiant ses toutes dernières recherches, elle rapportait des expériences effectuées en milieux scolaire et étudiant. On a demandé aux deux groupes de réaliser des collages «saugrenus». On a demandé aussi aux jeunes enfants d'inventer des histoires.

Les projets les moins créatifs, ainsi évalués par plusieurs enseignants, ont été réalisés par les étudiants à qui on a avait promis une récompense. «Il se peut qu'un travail commissionné soit, en général, moins créatif qu'un travail fait en dehors de toute considération intéressée», dit Mme Amabile.

En 1985, Amabile demanda à 72 écrivains créatifs des Universités de Brandeis et de Boston d'écrire de la poésie. On a donné alors à quelques étudiants les raisons extrinsèques (externes) d'écrire, comme d'impressionner le professeur, gagner de l'argent et de passer le troisième cycle et on leur a demandé de réfléchir à ce qu'ils pourraient mettre dans leur propre écriture, en respectant ces raisons. On a donné à d'autres une liste de raisons intrinsèques : le plaisir de jouer avec les mots, la satisfaction de s'exprimer soi-même etc.. Aucune liste n'a été donnée à un troisième groupe. Puis on a demandé à tous d'écrire plus encore.

Les résultats furent limpides. Non seulement les étudiants à qui avaient été données les raisons extrinsèques, ont été moins créatifs dans leur écriture que les autres (ainsi en ont jugé 12 poètes indépendants), mais la qualité de leur travail a baissé de façon significative. Les récompenses, dit Mme Amabile, ont cet effet destructeur, principalement dans les tâches créatives, y compris dans la résolution de problèmes de haut niveau. «Plus une activité est complexe, plus elle est touchée par les récompenses extrinsèques», dit-elle.

Mais d'autres recherches montrent qu'il n'y a pas que les artistes qui soient touchés.

Dans une étude, des filles de sixième et de cinquième faisaient la leçon à de plus jeunes enfants avec beaucoup moins d'efficacité quand on leur promettait des billets de cinéma gratuits si elles enseignaient bien. L'étude, menée par James Gabarino - maintenant président du Chicago's Erikson Institute for Advanced Studies in Child Development - a montré que les tuteurs travaillant pour une récompense étaient plus lents à communiquer les idées, frustrés plus facilement et qu'au bout du compte travaillaient moins bien que ceux qui ne recevaient pas de récompense.

De telles découvertes remettent en question la croyance largement répandue que l'argent est un moyen efficace et même nécessaire de motiver les gens. Elles lancent aussi un défi à la présomption béhavioriste qui veut que n'importe quelle activité soit plus à même de se réaliser si elle est récompensée. Mme Amabile dit que ses recherches «réfutent définitivement la notion de créativité conditionnée de façon opérante».

Mais Kenneth McGraw, Professeur adjoint de psychologie à l'Université du Mississippi, met en garde : cela ne signifie pas que le béhaviorisme en lui-même s'en retrouve invalidé. «Les principes de base du renforcement et des récompenses fonctionnent certainement, mais dans un contexte restreint» - restreint, il faut bien le dire, à des tâches pas spécialement intéressantes.

Les chercheurs proposent différentes explications à leurs surprenantes découvertes sur les récompenses et les performances.

D'abord, la récompense encourage les gens à se focaliser étroitement sur une tâche, à la faire aussi vite que possible et à prendre peu de risques. «S'ils se disent 'il faut que j'en passe par là pour avoir le prix', ils vont devenir moins créatifs», dit Mme Amabile.

Ensuite, les gens finissent par se sentir contrôlés par la récompense. Ils se sentent moins autonomes, ce qui peut interférer sur les performances. «À la limite, quelqu'un qui fait l'expérience de sentir son auto-détermination limitée», dit Richard Ryan, Professeur adjoint de psychologie de l'Université de Rochester, «verra diminuer d'autant sa créativité».

Enfin, les récompenses extrinsèques peuvent éroder l'intérêt intrinsèque. Les gens qui considèrent travailler pour de l'argent, des approbations ou un succès dans la compétition, trouvent leurs tâches moins plaisantes et du fait, ne les accomplissent pas aussi bien.

La dernière explication est le reflet des 15 années de travail par le mentor de Ryan, au sein de l'Université de Rochester, Edward Deci. En 1971, Deci a montré que «l'argent peut agir de telle sorte qu'il rachète à quelqu'un sa motivation intrinsèque pour une activité», en voyant sur le long terme. Dix ans plus tard, Deci et ses collègues démontrèrent qu'essayer de dépasser les autres a le même effet. Des étudiants, en compétition pour résoudre rapidement un puzzle, s'avérèrent moins doués que ceux qui n'étaient pas en compétition, continuant à travailler sur le problème une fois l'expérience terminée.

Le contrôle joue un rôle

Il est généralement accepté, cependant, que les récompenses n'ont pas toutes le même effet. Offrir une maigre rémunération pour participer à une expérience - l'équivalent d'un salaire horaire - ne réduit généralement pas la motivation intrinsèque. Ce n'est que lorsque la rémunération est basée sur la réalisation ou le dépassement d'une tâche donnée - par analogie, le paiement à la pièce et les bonus, respectivement - que le problème se développe.

Dès lors, la clef réside dans la façon dont la récompense est vécue. Si nous en arrivons à nous voir comme travaillant pour obtenir quelque chose, il nous faudra peu de temps pour nous rendre compte que cette activité n'en vaut pas la peine.

Il y a une vieille blague qui explique joliment le principe. Un homme d'un certain âge, fatigué des sarcasmes des enfants voisins, finit par inventer un stratagème. Il offrit de donner un dollar à chaque enfant qui reviendrait le mardi et qui hurlerait à nouveau ses insultes. Ce qu'ils firent avec zèle et reçurent leur argent ; mais il leur dit que le mercredi, il ne pourrait leur donner que 25 cents. Quand ils revinrent, l'insultèrent à nouveau et reçurent leurs piécettes, ils s'entendirent dire que le jeudi, le montant ne serait que d'un penny. «Laissez tomber», dirent-ils et ils ne l'ont plus jamais ennuyé.

Quelques mots pour la fin

Dans une étude de 1982, le psychologue Mark L. Lepper, de Stanford, a montré que toute tâche, quelle que soit l'apparence agréable qu'on lui ait vue, sera dévalorisée si elle est présentée comme un moyen plutôt que comme une fin. Il raconta l'histoire d'un groupe de futurs écoliers qui ne pouvaient s'engager dans l'activité de leur préférence, sans avoir d'abord pris part à une autre. Bien qu'ils aient eut un plaisir identique à pratiquer les deux activités, les enfants en sont venus à ne pas aimer la tâche qui était la condition préalable de l'autre activité.

Il ne devrait pas être surprenant que lorsque la rétroaction verbale est vue comme un contrôle, l'effet sur la motivation peut être assimilée à un paiement. Dans une étude portant sur des employés d'un groupement corporatif, Ryan a trouvé que ceux à qui on disait «Bien, tu fais comme il le faut», ceux-là étaient «nettement moins motivés intrinsèquement que ceux qui ont reçu un feedback par voie informative».

Il y a une différence, dit Ryan, entre dire «je te donne cette récompense parce que je reconnais la valeur de ton travail» et «tu vas recevoir cette récompense parce que tu t'es conformé à mes exigences».

Une série de problèmes, différents, mais liés, existe dans le cas de la créativité. Les artistes doivent gagner leur vie, bien entendu, mais Mme Amabile met l'accent sur le fait que «l'impact négatif sur la créativité en travaillant pour de l'argent peut être minimisé» en atténuant la signification de ces récompenses et en essayant de ne pas les utiliser comme moyen de contrôle. Comme le suggèrent les recherches, on ne peut forcer le travail créatif, simplement le laisser se produire.

Alfie Kohn, MA writer de Cambridge, est l'auteur de «No Contest: The Case Against Competition», publié récemment par Houghton Mifflin Co., Boston, MA. ISBN 0-395-39387-6.

Retournez à la page principale du projet GNU.

Pour les questions et requêtes relatives à la FSF & GNU : gnu@gnu.org. Autres moyens pour contacter la FSF. Merci d'envoyer des commentaires sur cette page web à webmasters@gnu.org, envoyer une autre question à gnu@gnu.org.

Copyright (C) 2000 Free Software Foundation, Inc., 51 Franklin St - Fifth Floor, Boston, MA 02110, USA

Verbatim copying and distribution of this entire article is permitted in any medium, provided this notice is preserved.

La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n'importe quel support d'archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Dernière mise à jour : $Date: 2005/08/22 10:18:14 $ $Author: taz $

Traduction : Pierre-Yves Enderlin Révision : trad-gnu@april.org

Source : Des études montrent que la récompense n'est pas un moteur de motivation

mercredi 7 décembre 2005

Syndrome de Stockholm

Le syndrome de Stockolm désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à adopter peu ou prou le point de vue de ceux-ci. Ce comportement paradoxal des victimes de prise d'otage, a été décrit pour la première fois en 1978 par le psychiatre américain F. Ochberg qui lui donne le nom de « syndrome de Stockholm ».

Le fait divers

Le 23 août 1973, un évadé de prison, Jan Erik Olsson tente de commettre un hold-up dans l'agence de la Kreditbanken du quartier de Norrmalmstorg à Stockholm. L'intervention des forces de l'ordre l'oblige à se retrancher dans la banque où il prend en otage quatre employés. Il obtient la libération de son compagnon de cellule, Clark Olofsson, qui peut le rejoindre. Six jours de négociation aboutissent finalement à la libération des otages. Curieusement, ceux-ci s'interposeront entre leurs ravisseurs et les forces de l'ordre. Par la suite, ils refuseront de témoigner à charge, contribueront à leur défense et iront leur rendre visite en prison. L'une des victimes finira même par épouser Jan Erik Olsson.

Autres exemples

  • Patricia Hearst
  • Otages de Marseille
  • Intervention des Sabines lors de l'affrontement entre les Romains et les Sabins (voir Tite-Live)

Analyse du syndrome

trois critères :

  • le développement d'un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis-à-vis de leurs ravisseurs ;
  • le développement d'un sentiment positif des ravisseurs à l'égard de leurs otages ;
  • l'apparition d'une hostilité des victimes envers les forces de l'ordre.

Pour que ce syndrome puisse apparaître, deux conditions sont nécessaires :

  • l'agresseur doit être capable d'une conceptualisation idéologique suffisante pour pouvoir justifier son acte aux yeux de ses victimes ;
  • il ne doit exister aucun antagonisme ethnique, aucun racisme, ni aucun sentiment de haine des agresseurs à l'égard des otages ;

Il apparaît plus difficilement si les victimes potentielles sont préalablement informées de l'existence de ce syndrome.

Source : Wikipedia

L'expérience de Milgram

Expérience de Milgram
Le docteur (E) convainc le sujet (S) d'infliger des chocs électriques à un autre sujet qui est en fait un acteur (A). De nombreux sujets continuent à infliger les chocs en dépit des plaintes de l'acteur.

Expérience sur la soumission à l'autorité, menée par Stanley Milgram entre 1960 et 1963, et ayant provoqué de nombreux remous dans l'opinion.

Cette expérience a été mise en scène dans le film I comme Icare, fiction basée sur le meurtre du président Kennedy, avec Yves Montand dans le rôle principal (le film est de Henri Verneuil).

Principe

Le sujet arrive dans un hôpital, il est censé participer à une étude sur la mémorisation qui serait facilitée par une répression (punition) associée à une mauvaise réponse. Pratiquement, l'expérience comporte trois personnages :

  • un comédien qui est censé apprendre et recevoir une décharge électrique, de plus en plus forte, en cas d'erreur,
  • le véritable sujet qui dicte les mots à apprendre et envoie la décharge électrique en ignorant qu'elle est fausse et qui pense donc faire souffrir l'autre,
  • enfin un « docteur » censé représenter le côté officiel de l'expérience.

Au départ, l'apprenant récite quelques mots puis se trompe. Le véritable sujet lui envoie une décharge électrique faible. Au fur et à mesure, la décharge devient plus forte et le sujet apprenant finit par « se tordre de douleur » sur son siège. Le vrai sujet « implore » auprès du « docteur » l'arrêt de l'expérience. Celui-ci, évidemment, lui demande de continuer : c'est dans l'intérêt de la science et c'est dans le cadre d'un hôpital. Le fin mot de l'histoire : jusqu'où le vrai sujet (qui a la perception de faire mal à l'autre) va aller avant de refuser la soumission à l'autorité ? Fascinant et inquiétant...

Résultats

Cette expérience mesure les limites de l'obéissance à l'autorité. Les résultats étonnants de l'expérience montrent que l'absence de sens critique face à l'autorité empêche l'individu de réagir de manière consciente et volontaire en lui désobéissant, comme ce devrait normalement être le cas quand l'ordre intimé est injuste.

L'expérience est renouvelée un grand nombre de fois en faisant varier les paramètres :

  • Éloignement : Le sujet et l'acteur sont placés à des distances variables. Dans le cas de plus grande proximité, les sujets sont face à face et l'acteur supplicié doit volontairement maintenir sa main sur une plaque pour recevoir la fausse décharge. À l'inverse, dans le cas où la distance est plus grande, le sujet ne communique avec l'acteur placé dans une autre pièce que par un système de voyants lumineux. Plus le sujet est lointain, plus l'obéissance est importante.
  • Nervosité : Au fur et à mesure que les sujets infligent des punitions de plus en plus importante, ils montrent des signes d'inconfort et d'angoisse de plus en plus grand jusqu'à leur limite où ils craquent. Certains individus ont appliqué la règle jusqu'au bout sans être troublés, délivrant des décharges jusqu'à la fin du questionnaire alors que l'acteur, invisible au cobaye dans ce cas précis, avait cessé de répondre depuis longtemps. À l'inverse, une femme allemande ayant appris, selon ses propres explications, de son expérience de la Seconde Guerre mondiale à suivre son libre arbitre, refuse de poursuivre l'expérience à partir d'une limite sans montrer le moindre signe d'angoisse.
  • Danger de mort : Dans un certain nombre d'expériences, l'acteur prétend avoir des problèmes de cœur et se sentir très mal au fur et à mesure que les décharges augmentent. Les sujets désobéissent plus rapidement, sauf le cas cité précédemmment qui continue à administrer des décharges à un sujet silencieux.
  • Figure d'autorité : Les scientifiques jouent sur leur comportement et leur habillement pour accentuer leur autorité. Le port de la blouse par exemple a un effet important sur les sujets qui désobéissent moins.

Exploitation

Milgram affirme non seulement que les structures sociales sur lesquelles se fonde le fascisme n'ont pas disparu, mais qu'elles se sont modernisées, gagnant ainsi en efficacité. Il en conclut que l'exercice du libre arbitre est non seulement indispensable sur le plan intellectuel mais qu'il est salutaire dans les faits.

65% des sujets ont été au bout de l'expérience, "administrant" 450 volts à "l'élève". Stanley Milgram a qualifié à l'époque ces résultats "d'inattendus et inquiétants". L'expérience a été reproduite dans de nombreux pays avec des résultats analogues. Hommes et femmes se comportent de manière similaire.

Un point rassurant de l'étude de Milgram est que 10% à 15% de la population semble rebelle à toute forme de pression psychologique, quelle que soit son intensité. Ce même pourcentage avait été observé lors des lavages de cerveau pendant la Guerre de Corée. Les partis politiques comptant entre 5% et 20% de sympathisants (Front National, Lutte ouvrière...) arguent volontiers de ce résultat en présentant leurs sympathisants comme « non conditionnés par les idées ambiantes ». On peut supposer que l'argument serait vite oublié si ces mêmes partis atteignaient les 40% et que leurs idées devenaient les idées ambiantes.

Dans les sociétés industrielles contemporaines, l'accroissement de la population et le progrès technique se traduisent par une perte de sens critique de l'individu qui fait que ces sociétés remplissent toutes les conditions posées à l'exercice du pouvoir autoritaire : « En mettant à la portée de l'homme des moyens d'agression et de destruction qui peuvent être utilisés à une certaine distance de la victime, sans besoin de la voir ni de souffrir l'impact de ses réactions, la technologie moderne a créé une distanciation qui tend à affaiblir des mécanismes d'inhibition dans l'exercice de l'agression et de la violence ».

Georges Bernanos avait déjà fait remarquer en son temps qu' « un soudard pouvait jadis tuer une femme, dix, vingt, sans état d'âme. Mais cent. Mais mille ? La lassitude, à défaut d'écœurement l'aurait empêché de continuer. De nos jours, le pilote d'un bombardier peut déclencher la mort de cent mille personnes par un geste aussi peu chargé émotionnellement que celui consistant à boire une tasse de thé ».

Les sujets sont réduits à la simple condition d'agents, état dans lequel l'individu cesse de se voir comme responsable de ses actions et se considère comme un simple instrument à travers lequel une instance supérieure réalise son plan. On comprend dès lors pourquoi le comportement du sujet se voit si aisément contraint par l'autorité. Dès sa naissance, l'enfant est fortement socialisé selon le principe d'obéissance, à l'école, dans la famille, au service militaire et jusque dans l'entreprise.

Milgram précise à cet égard que « la propension à la désobéissance est d'autant plus grande que le niveau d'instruction augmente ; elle est plus forte chez les médecins, les avocats et les professeurs que chez les techniciens et les ingénieurs ; de même, elle est plus forte chez les protestants et les juifs que chez les catholiques. »

Une autre variante importante dans « l'obéissance acritique » s'est révélée être l'influence du groupe. Ainsi, quand la responsabilité est partagée, elle semble être diluée.

Enfin, selon Milgram, il y a lieu d'ajouter un dernier facteur, l'influence décisive du système industriel, y compris capitaliste - point où il rejoint aussi Bernanos. Les sociétés doivent actuellement faire face à l'alternative suivante :

  • encourager le sens critique de manière à rendre possible une désobéissance consciente et volontaire, avec évidemment les inconvénients que cela représente (revendications sociales plus souvent avancées),
  • ou éduquer a minima des individus qui seront certes formés à bon marché, mais soumis et obéissant à n'importe quel pouvoir à venir, aussi peu éthique soit-il. Ce second futur était pressenti comme presque inévitable par Ernest Renan, qui d'ailleurs le déplorait fortement.

C'est ce que craignent aussi des responsables de l'économie capitaliste aujourd'hui, comme Bill Gates qui décrivait récemment, devant un parterre de Gouverneurs d'Etats américains, les dangers d'un système éducatif nord-américain « obsolète » : dès le 19ème siècle, il était évident que l'école secondaire américaine ne pouvait pas offrir un enseignement de qualité à tous :

  • il fallait préparer une élite à l'université ;
  • il fallait empêcher les autres élèves de traîner dans les rues tant qu'ils n'avaient pas l'âge de travailler aux champs ou à l'usine.

Or ce type d'emploi est en situation de raréfaction aujourd'hui, mais l'école ne s'est pas pour autant adaptée dans les sociétés occidentales dites « modernes ».

Voir aussi

  • La soumission à l'autorité, ISBN 2702104576

Liens externes

Source : Wikipedia